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L’inscription du droit de grève et du droit syndical dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 a marqué un tournant dans la société française. Mais le droit de parole et d’expression accordé aux travailleurs est parfois bafoué. "La démocratie, ce n’est pas la rue! La démocratie c’est le vote! C’est la démocratie sociale dans l’entreprise!" En meeting à Paris le mercredi 8 juin 2016, le Premier ministre Manuel Valls défend bec et ongles la primauté des accords d’entreprises sur les accords de branches. Celui qui a fait passer la loi travail en force grâce au 49.3 semble avoir une approche incertaine de la démocratie.
Pour Arnaud, étudiant en sciences physiques de 22 ans et participant au mouvement Nuit Debout, les dernières grèves lui ont fait prendre conscience de son droit à exprimer son avis. Actif dans la commission Science Debout à Bordeaux, il a "découvert le sens du verbe "œuvrer" en opposition au verbe "travailler". Et c’est bien la notion de travail qui est au centre de cette mobilisation contre la loi El Khomri. Arnaud "aimerait juste que le gouvernement existe pour aider le peuple français et non pour attirer des personnages cupides et avides de pouvoir au sommet". Si les grévistes sont dans la rue, ce n’est pas uniquement pour faire retirer la loi Travail mais pour exprimer un ras-le-bol général. Ils sont des milliers dans les rues, mais qui sont-ils? Qu’attendent-ils du gouvernement? Quel est le rôle des responsables politiques?
Si les grévistes appellent généralement à manifester pacifiquement, les tensions accumulées depuis plus de trois mois sont un terrain de choix pour la violence physique et verbale. À 21 ans, Clément, opérateur voie à SNCF Infra en Île de France et manifestant, a "vu la violence des deux côtés: des mineurs qui jettent des canettes sur des flics en oubliant que derrière le bouclier il y a un être humain et des hommes qui tabassent un militant d'une vingtaine d'années alors que ça pourrait être leur fils". Romain D, victime d’une grenade de désencerclement lancée par un policier le 26 mai 2016, ce manifestant blessé gravement à la nuque par une grenade lacrymogène mardi 14 juin 2016, des manifestants qui tombent à terre sous les coups de policiers mais aussi des vitrines cassées, des forces de l’ordre malmenées et des amalgames qui appellent à une violence supplémentaire.
Pour une poignée de CRS violents, l’image des forces de l’ordre est salie, pour quelques casseurs dont la seule revendication est la violence, c’est tout un mouvement qui est décrédibilisé. Pendant que les grévistes perdent leur rémunération et que les policiers partent épuisés dans les rues, les salaires des responsables politiques continuent à être versé, bien loin des tensions de la rue.
Depuis plus de 100 jours, le mouvement de grève anti-loi Travail se démarque par sa longévité mais est perçu différemment par les Français. Clément, qui défend ses conditions de travail à la SNCF, ressent "un éveil massif de la conscience des Français". Si ceux qui foulent les pavés depuis plus de trois mois considèrent cette époque comme un soulèvement social, Sébastien Sordel, maire de Tréclun en Bourgogne (21), "voit les manifestations d’assez loin". Depuis sa commune, le quarantenaire "a l’impression qu’il s’agit d’un faux débat et que ces grèves relèvent un peu de l’instrumentalisation politique". Pour Nicole Nachon, retraitée mais plus active que jamais, "cette loi n’est que le reflet d’un travail en amont sur le fait qu’on entérine de plus en plus des idées. Des idées selon lesquelles, par exemple, la dette publique est affreuse et que nous citoyens en sommes responsables. En réalité, on sait très bien depuis 2008 que cette dette a été contractée par les banques et les fraudes fiscales". Un exemple qui renvoi aux cibles des casseurs de vitrines, généralement attirés par les banques. Pour cette ancienne secrétaire de région des Verts à Annecy ayant rejoint le Nouveau parti anticapitaliste, "il y a un mécontentement plus profond" que les grèves de ces dernières années.
Qu’ils soient étudiants comme Arnaud, travailleur comme Clément, politiciens comme Sébastien ou engagés comme Nicole, la plupart des Français sont d’accord sur un point: il y a énormément de violence pour des combats qui se tiennent bien plus haut. Car pour eux quatre, les lobbys industriels et les décisions européennes prennent le pas sur les actions des responsables politiques. Reste à savoir où les Français seront cet été: dans la rue pour manifester ou sur la plage en lisant le traité de Lisbonne de 2005?