Magazine Beauté

Tutu – Chicos Mambos, de Philippe Lafeuille, au Théâtre Bobino (Paris 14)

Publié le 25 juin 2016 par Carnetauxpetiteschoses @O_petiteschoses

Voilà 20 mois que les 6 membres des Chicos Mambos, occupent la scène, et donnent à voir à Paris cette vision décapante et protéïforme de la danse.

C’est donc in-extremis, que nous les admirions tour à tour, pantois, hilares, émus, sur les planches du théâtre Bobino hier.

Intitulé simplement “Tutu”, le spectacle, offre une vision complète, pleine de références à la danse en elle-même où les plus grands chorégraphes et les pièces de ballets notoires, côtoient les enchaînements bien connus des films de danse devenus cultes, ou les mimiques des concours et autres télé-crochets.

Rendue subitement accessible, cet art codifié, riche de son évolution et de ses spécificités historiques comme géographiques, devient un moyen d’expression universel, pour délivrer des messages puissants. Car Philippe Lafeuille, loin de se contenter de parodier, convoque l’humour, met à l’aise, détend l’assistance, et la débarrasse de ses a priori sur la discipline, tout en instillant le questionnement. Transcendant la pratique même, il traite des préjugés sur les danseurs, de la mentalité des artistes entre eux, et plus généralement de la condition féminine, qui révèle en creux la condition masculine dans la pratique de cet art aussi délicat que technique. Les 6 danseurs sur scène, imposent d’emblée par leur puissance physique. Dès le premier tableau, dans ce tutu étonnant qui ne révèle que leurs jambes, ils deviennent des amphores pelucheuses, des créatures chimériques, amusantes et gracieuses.

Les artistes nous étonneront et nous tiendront en haleine, au fil des vingt tableaux, qu’ils enchaînent en moins d’une heure et demie. Brillant par leur maîtrise technique indéniable, on s’amuse à reconnaitre au cours de numéros en solo ou en groupe, au rythme toujours soutenu, les emprunts, les influences et les clins d’oeil opérés. On savoure les morceaux de bravoure, ou les pièces classiques parfaitement exécutées, flirtent avec des numéros de mimes comiques, ou un aka féroce, qui fini par phagocyter complètement la variation, et par gagner entièrement l’expression du danseur.

Le tutu est l’accessoire, le prétexte et le médium, autour duquel le chorégraphe, les danseurs et le public se rencontrent. Il est détourné, utilisé comme forme en soi, porté sous des formes multiples, jusqu’à parfois se faire oublier, ou concentré et exagéré jusqu’à former une boule de tulle qui devient chapeau, couche-culotte, ou élément du décor. Il est surtout prétexte à révéler les corps et ses parties parfois isolément, comme lors d’un numéro magnifique, de tango, où les jambes des danseurs rivalisent de manières et de beauté, ou d’un solo ou le danseur de dos, esquisse avec ses bras ondoyants, un numéro hypnotisant, ou encore, un tableau de groupe où seules les mains des danseurs, éclairées admirablement, deviennent le corps que l’on observe (les doigts figurant des jambes par moments). Le corps est parfaitement traité, et ces musculatures masculines, nous font parfois penser à des corps de femmes, sous l’effet des costumes. L’illusion est parfaite.

Le jeu avec le noir est subtil et habilement exécuté, et donne lieu à des effets d’optiques surprenants (envolées lyriques surréalistes) mais il est réalisé aussi avec la complicité d’une danseuse habillée en combinaison noire (morphsuit), amusante et féline. Celle-ci opère une inversion des dimensions, sortant de la pénombre pour devenir camérawoman déjantée, elle révèle un espace ordinairement laissé dans les coulisses.

On passe un moment jouissif et on se surprend à apprécier la danse quel que soit son bagage de connaissance sur le sujet.

A voir :
Tutu, Chicos Mambo
de Philippe Lafeuille
Au théâtre Bobino
14-20 Rue de la Gaité,
75014 Paris


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Carnetauxpetiteschoses 1154 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte