Et bien non, voilà une autre petite entorse à la règle, cet étonnant petit gyokuro de Uji-Tawara. Double exception puisque je suis souvent sceptique devant les gyokuro issus de récoltes mécaniques, comme celui-ci.
Les arômes de ce thé m'ont complètement charmés. Je dirais qu'il n'est pas à prendre comme un gyokuro, mais simplement comme un thé vert étuvé japonais assez unique et franchement délicieux. Il provient plus exactement de Zenjôji, une zone de production historique de Uji-Tawara, d'une des dernière petites plantations que le vétéran M. Motomasa exploite encore lui-même du fait de son âge avancé. Le thé fut fabriqué aussi à Zenjôji dans l'usine coopérative Kuwahara. Cette dernière est célèbre car les thés qui en sortent ont tous des arômes uniques, sans que l'on en connaissent la raison. On sait que cette usine est ancienne, très haute de plafond, qu'on y utilise des machines anciennes, et qu'on n'y prête guère d'importance à la forme des feuilles.
Pour la première infusion, je propose environ 4-5g de feuilles pour 40-50 ml d'eau. Un peu léger pour un gyokuro, mais cela reste un dosage très généreux comparé à une préparer de sencha. Eau à 60°C environ pour 90s d'infusion.
Qu'à cela ne tiennent, pour la seconde infusion, je passe de suite à 80°C environ, une quinzaine de secondes. Et là en effet, tout est beaucoup clair, riche, complexe. Sur le végétal d'un thé ombré on a aussi du fruité, une touche de vanille, quelque de muscé. En bouche, l'impact est plus grand encore. L'astringence reste très discrète, et une douceur umami forte mais gracieuse tapisse la bouche. On ressent des arômes de citron aussi. Les retours à la fois doux et frais sont très puissant et la longueur formidable.
La troisième infusion un peu plus chaude encore, plus longue (une minute ?) ne déçoit. C'est toujours aussi riche, je dirais que l'astringence semble plus discrète encore, avec toujours cette douceur si élégante et agréable, tout en étant d'une rare puissance. On a maintenant de manière plus forte des saveurs de légumes cuits type haricot vert, du poivron vert aussi, toujours cette sensation muscée dans les parfums. Il y a toujours beaucoup d'ampleur en bouche.
Avec la 4ème infusion, 90°C, cet incroyable thé vert semble "enfin" s’essouffler. La liqueur se fait alors bien plus légère, mais reste très agréable à boire. Sans astringence, on a toujours néanmoins cette douceur puissante qui perdure très longtemps en bouche. Un excellent "finale".
Je me suis demandé au départ de quel cultivar pouvait-il bien s'agir, un zairai-shu ?, non, il s'agit simplement d'un Yabukita.
Il ne faut pas y voir un modèle de gyokuro (même si à ce prix certains pourraient en prendre de la graine), mais simplement un superbe thé vert étuvé ombré à la richesse, à l'endurance incroyable. C'est arômes sont très originaux, et bien que l'umami y soit naturellement fort, cela ne fait pas "soupe", c'est un élément qui soutient d'autres arômes complexes avec élégance. Ainsi, même ceux qui sont allergiques au gyokuro pourront essayer et y trouver leur compte en essayant diverses méthodes d'infusions.
En tout cas, ce gyokuro hors norme, ce thé vert inclassable, m'a bluffé, et fait parti des excellentes surprises de 2016.
C'est un tout petit lot,il n'y en a pas beaucoup....