L'orangeraie de Larry Tremblay 5/5 (11-06-2016)
L'orangeraie (192 pages), publié le 5 février 2015 aux Éditions La table Ronde (Vermillon), est disponible en format poche depuis le 19 mai 2016 chez Folio (156 pages).
L’histoire (éditeur) :
«Quand Amed pleure, Aziz pleure aussi. Quand Aziz rit, Amed rit aussi.»
Ces frères jumeaux auraient pu vivre paisiblement à l'ombre des orangers. Mais un obus traverse le ciel, tuant leurs grands-parents. La guerre s'empare de leur enfance et sépare leurs destins. Amed, à moins que ce ne soit Aziz, devra consentir au plus grand des sacrifices.
Mon avis :
Zaheb, après avoir perdu ses parents lors de l’explosion d’une bombe dans leur maison, est visité par Soulayed, homme important, craint et respecté, qui lui demande de sacrifier l’un de ses fils pour les venger et réparer l’affront fait à Dieu.
« Malgré leur jeune âge, ils étaient conscients de l’honneur que Soulayed leur avait fait. Ils étaient subitement devenus de vrais combattants.
Pour tuer le temps, ils s’amusaient à se faire exploser dans l’orangeraie. Aziz avait chipé à son père une vieille ceinture qu’il avait alourdie de trois petites boites de conserve remplies de sable. Ils la portaient à tour de rôle, se glissant dans la peau du futur martyr ; les orangers jouaient aussi à la guerre avec eux. Ils se métamorphosaient en ennemis, interminables rangées de guerriers prêts à lancer leurs fruits explosifs au moindre bruit suspect. Les garons se faufilaient entre eux, rampant et s’écorchant les genoux. Au moment où ils actionnaient le détonateur –un vieux lacet-, les arbres se déracinaient et grimpaient au ciel en mille fragments avant de retomber sur leurs cadavres déchiquetés. » Page 51-52 de la version poche
Lequel choisir comme martyr ? lequel devra porter la ceinture et se faire exploser au milieu des responsables derrière la montagne ?
Tamara, sa femme, sait lequel de ses fils Zaheb lui prendra. Elle sait que le sacrifice en temps de guerre est nécessaire mais refuse de perdre ses deux petits….
Ce texte de 150 pages se lit d’une traite. Le sujet est difficile, cruel, réaliste et actuelle, et la manière dont Larry Tremblay l’évoque (sans ne le situer temporellement ni géographiquement) lui donne une universalité encore plus douloureuse.
Amed et Aziz, jumeaux de 9 ans, sont des petits garçons projetés sévèrement dans le monde des adultes, celui de la guerre et du sacrifice. Courage, honte, sens du devoir et culpabilité prennent un sens tout particulier. La naïveté, la manipulation et la dureté se côtoient avec une force à peine croyable.
La tension psychologique monte crescendo pour un dénouement et une révélation qui frappe le lecteur de plein fouet. Sans préjugé, sans jugement, sans s’étendre ni trop en faire, l’auteur concentre son récit sur l’essentiel, amplifie la tragédie et charge son récit d’émotions pour toucher profondément et laisser véritablement sans voix !
L’orangeraie a reçu le prix des Libraires du Québec et le prix littéraire des Enseignants.