Du moins, pas à l’aide des logiciels supposément prévus à cet effet. Sauf peut-être si vous y croyez très, très fort.
Il était une fois, à l’époque précambrienne, un chroniqueur de jeux vidéo qui avait reçu une copie de Brain Age pour la Nintendo DS. Un jeu qui prétendait, à moitié sérieusement, pouvoir rajeunir le ciboulot à grands coups d’exercices de coordination, de concentration, d’habileté mathématique, etc.
Le chroniqueur vécut quand même très heureux, mais n’eut jamais d’enfants, parce qu’il y a des chromosomes qu’il vaut mieux ne pas transmettre.
Le chroniqueur s’est empressé de tester le produit. Qu’avait-il à perdre? Après tout, même si son cerveau devait rester dans le même navrant état de décrépitude après l’expérience, il aurait au moins passé quelques heures à résoudre de chouettes puzzles. Et les premiers résultats ont été amusants : son «âge cérébral» baissait de jour en jour, au fur et à mesure que son cerveau apprenait… à mieux résoudre les puzzles de Brain Age, et probablement pas beaucoup plus que ça.
Une semaine plus tard, les puzzles étant devenus d’un ennui mortel, l’expérience a pris fin. Le chroniqueur ne se sentait pas beaucoup plus brillant qu’avant. Et l’effet à long terme de l’entraînement? Le chroniqueur a dû faire appel à Google pendant la préparation du texte que vous êtes en train de lire, parce qu’il ne se rappelait plus du nom de Brain Age. C’est bien pour dire.
Le chroniqueur vécut quand même très heureux, mais n’eut jamais d’enfants, parce qu’il y a des chromosomes qu’il vaut mieux ne pas transmettre.
Le cerveau et l’effet placebo
Depuis l’époque de Brain Age, toute une industrie s’est développée autour de l’idée d’entraîner le cerveau — mais de manière tout à fait sérieuse, cette fois. L’objectif est louable : contrer les effets délétères du vieillissement et peut-être même retarder ceux des maladies dégénératives, quoique les méthodes employées par les entreprises pour recruter des clients soient parfois plus que discutables. Mais est-ce que ça fonctionne?
Les premiers résultats d’études scientifiques portant sur le sujet étaient appétissants. Une méta-analyse publiée en 2015 et portant sur les résultats de 19 études a même calculé une augmentation moyenne de 3 à 4 points de QI chez les adeptes de ce genre de logiciel. Ce qui n’est pas énorme, mais quand même étonnant quand on considère que la majorité de la littérature scientifique semblait avoir établi que la performance cognitive est essentiellement stable à l’âge adulte, du moins jusqu’au déclin entraîné par le vieillissement.
Une équipe de psychologiques de l’Université George Mason, en Virginie, a donc tenté d’expliquer cet étrange phénomène à l’aide d’un autre phénomène tout aussi bizarre : l’effet placebo.
Les chercheurs ont recruté deux groupes de volontaires à l’aide de deux affiches placardées sur le campus, l’une proposant aux candidats de participer à une étude qui les aiderait à augmenter leur QI, l’autre offrant un message plus neutre. Les résultats, publiés dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), sont sidérants. Après seulement une heure de soi-disant « entraînement », les volontaires qui avaient répondu à la première affiche et qui, selon les chercheurs, s’étaient donc « auto-classifiés dans le groupe placebo », ont obtenu une augmentation de 5 à 10 points de leurs scores à un test de QI standard. Ceux qui avaient répondu à la seconde affiche et qui ne s’attendaient donc à rien de spécial ont reçu exactement le même entraînement mais leur performance n’a pas changé d’un iota.
Est-ce qu’un tel effet placebo peut se maintenir à long terme, par contre, c’est une autre histoire.
Soit, les échantillons sont petits (50 personnes en tout) et rien ne garantit que l’entraînement offert par les chercheurs de George Mason soit équivalent à ce que l’on retrouve dans un logiciel commercial. Mais ce résultat suggère tout de même que l’effet placebo puisse expliquer, au moins en partie, comment ces nouvelles méthodes d’entraînement cognitif aient pu fonctionner : ça marche parce qu’on veut que ça marche.
Est-ce qu’un tel effet placebo peut se maintenir à long terme, par contre, c’est une autre histoire. Personne ne sait exactement pourquoi l’effet placebo existe, ni comment il fonctionne; on a même déjà démontré qu’il se maintient même quand le patient sait qu’il prend un placebo, ce qui, entre vous et moi, n’a pas de maudite allure!
Alors, quoi faire avec mon vieux cerveau scrap?
La triste vérité, c’est que nous ne savons pas encore très bien comment fonctionne le cerveau, et encore moins comment manipuler ce fonctionnement. Nous n’avons que des bribes d’information auxquelles nous rattacher. Par exemple :
- La musique, et plus particulièrement l’intervalle de silence entre deux pièces, augmenterait la concentration et la capacité à filtrer le bruit.
- L’apprentissage d’une langue seconde modifierait la manière dont la structure du cerveau se transforme en fonction des expériences vécues.
- Des indices laissent supposer que des contacts sociaux fréquents ou des activités intellectuelles comme la lecture et les visites de musées pourraient retarder l’apparition de la maladie d’Alzheimer, mais rien n’est encore définitif.
Ceci dit, rien n’empêche de prendre de bonnes habitudes. Apprenez et vous aurez de plus en plus envie d’apprendre, qu’il s’agisse d’étudier le grec ancien ou de maîtriser des techniques de tir en mode subjectif dans Call of Duty. Est-ce que cela changera votre cerveau de manière mesurable? Peut-être pas, mais vous en bénéficierez quand même.
Et tenez vous éloignés des Kardashian. Nous n’avons peut-être pas de preuves directes du fait que leurs niaiseries détruisent les neurones avec lesquels elles entrent en contact, mais il n’y a pas de risques à prendre.