L’outsider drame/Biopic de Christophe Barratier, avec Arthur Dupont et François-Xavier Demaison I Capture d’écran
Les choristes, Faubourg 36, La guerre des boutons colle à la peau de Christophe Barratier. Une France carte postale, modèle sépia, celle des bérets, des bretelles et des galipettes dans les champs de blé. Enfin, Barratier, c’était ça -et ça commençait à lasser. Parce qu’avec L’outsider, Barratier, qui s’était fait discret depuis son dernier film (en 2011), offre un sacré virage -pas loin du 180°- à sa désormais étonnante filmographie. L’outsider, c’est l’histoire d’une ascension et d’une chute, aussi météorites l’une que l’autre. Celles de Jérôme Kerviel, trader le plus célèbre de France depuis qu’il a fait perdre, un soir de janvier 2008, 4,9 milliards€ à son employeur, la Société Générale. Laquelle s’est, on ne le sait que trop bien, empressée de rejeter l’entièreté de la faute sur son ex-golden boy, sorte d’Icare de la finance qui se serait brûlé les ailes à force de s’approcher trop près du soleil -entendez la Bourse. Deux ans après le scandale, qui n’a pas encore connu son issue juridique (il a d’abord été condamné, puis partiellement acquitté en appel), Kerviel avait sorti un livre, une biographie intitulée L’engrenage : mémoires d’un trader. C’est de cet ouvrage qu’est parti le réalisateur pour brosser, au-delà de l’homme, le portrait d’une profession à risque.L’homme revient donc d’abord sur les débuts de Kerviel au "middle office", bureau de "petites mains" chargées de comptabiliser les opérations passées par les vedettes de l’endroit : les traders. Un séjour à l’ombre qui lui servira à masquer les positions folles qu’il finira par prendre lorsqu’il sera lui-même devenu une star des marchés.Kerviel, le fils, le génie, le requinAu cours du film, on découvre tour à tour, Kerviel le fils issu d’une famille modeste (ce sur quoi Barratier insiste un peu lourdement), Kerviel le petit génie de la finance (ce qui ne fait aucun doute, toute responsabilité mise à part), puis Kerviel le «requin». C’est d’ailleurs cette dernière partie de sa personnalité -que rend admirablement Arthur Dupont, parfait dans le rôle- qui s’avère la plus intéressante. Le réalisateur démontre combien le milieu de la finance peut aliéner jusqu’aux esprits les plus intègres. Sans aucune considération, non plus, pour le facteur humain, cependant on reste longtemps effaré, face à cette reconstitution très fidèle, de la légèreté avec laquelle ces bambins jouent avec les zéros et les sommes les plus folles à la façon d’un geek addict à ses jeux vidéo. Une spirale destructrice, en somme, au terme de laquelle on en vient aussi à se forger une opinion, presque définitive, sur le rôle joué dans cette affaire par une Société Générale trop contente de fermer les yeux quand sa «cash machine » -le surnom de Kerviel- lui rapportait des milliards. Et tout aussi prompte à actionner la guillotine quand la tendance se sera inversée. Sa cécité -l’argument préféré de ses avocats- face aux agissements du trader n’en apparaît qu’encore plus "suspecte". A voir absolument ! VF