Vin jaune et Pata Negra : le bel équilibre I Capture d’écran
Dans le massif jurassien, on aime les bons produits. Et la frontière franco-suisse ne freine en rien les ardeurs gourmandes, bien au contraire ! Fort de ce constat, Jean Dussaussoy, chroniqueur vin, spécialiste en accords et Sébastien Ripari, fondateur du bureau d’étude gastronomique ont organisé avec Septième goût (magazine online dédié aux plaisirs de la vigne et de la table), une dégustation courtoise de vin jaune et Pata Negra. En association avec la Maison Roble, spécialiste des jambons ibériques purs de "Bellota" ["Pata Negra"] et le comité interprofessionnel des vins du Jura, cette rencontre festive a porté ses fruits : oui, les jambons ibériques se marient à la perfection avec les vins jaunes !4 appellations vs 4 jambonsLes quatre vins jaunes des appellations Arbois, Château-Chalon, Côtes du Jura et L’Etoile ont montré leur capacité à magnifier quatre jambons triés sur le volet : Extremadura, Huelva, Salamanca et Valle de Los Perdroches (Cordoba). Les saveurs des jambons ont commencé à émerger peu à peu... la graisse infiltrée dans le muscle a dévoilé son parfum délicat. L’émergence presque pécheresse du goût caractéristique et unique du jambon Pata Negra a crâné de son charmant bouquet. Pourtant tout n'a pas toujours été bon dans le cochon Pata Negra. Le nom ne recouvrait en réalité aucune appellation particulière. Pouvait être ainsi dénommée toute bête pour moitié issue de la race ibérique. Mais pour séparer le bon gras de l'ivraie et devant l'opacité de l'appellation, le ministère de l'Agriculture espagnol a décidé de lui donner le plus haut rang. Le 11 janvier 2014, un décret royal, publié dans le Boletin Oficial del Estado, a tranché. Pata Negra : "Animaux sacrifiés après une alimentation exclusive en bellota, herbes et autres ressources naturelles de la dehesa [domaine de pâture en sous-bois], sans aucun apport externe." Autrement dit, il faut des cochons de race 100% ibérique et nourris essentiellement aux glands. Petit Pata Negra est devenu grand, voyant ainsi sa condition se clarifier et ses papiers enfin en règle. Les cuissots gourmands qui peuvent taquiner les 7kg sont désormais baguées et munis d’un code couleur précis, histoire de ne plus prendre le consommateur pour... un jambon : une étiquette noire pour les jambons bellota 100% ibériques -les "vrais" Pata Negra-, une rouge pour les jambons ibériques, une verte pour les jambons Cebo (de bêtes nourries au fourrage et non aux glands) de Campo ibérique (en plein air) et une blanche pour la plus petite des qualités, le jambon de Cebo ibérique (gavé et parqué). Vincent Gergelé, (Maison Roble) souffle de contentement : "Nous l'attendions depuis longtemps. Cette loi contribue à préserver la qualité du produit tout en maintenant la race ibérique." Un seul cépage : le SavagninLe processus d’élaboration du vin jaune est similaire à celui de la Pata Negra. Si le cochon ne se nourrit que de glands, le vin, lui, n’est produit qu’avec un seul cépage local : le savagnin. Soi dit en passant, ledit cépage était déjà décrit par Charles Rouget (ampélographe) dans son Traité des vignobles du Jura et de la Franche-Comté (1897) : "Lors des croisades, il aurait été envoyé par des religieuses hongroises aux abbesses de Château-Chalon où il allait trouver sa terre de prédilection". Loin des voiles de ces dames, certains écrits mentionnent dans la seconde moitié du XVIIe siècle l'existence à Arbois et à Château-Chalon notamment d'un vin qui pourrait bien être du vin jaune. Le début d’une saga.Avec de tel pedigree de "sainteté", Pata Negra et vin jaune parviennent au sommet de l'art gustatif. Quand l’un passe à la découpe, ses petits pétales de chair persillés gras et légèrement doré réclame le droit de camarader avec son grand copain vin jaune. Peu banal, l’alliance est d’excellence. FG