Depuis 2 mois, j'ai tous les mois une hospitalisation de quelques jours pour faire baisser mes anti-corps dirigés contre les donneurs potentiels.
Comme mes anti-corps baissent assez rapidement, je suis susceptible d'être appelée à n'importe quel moment de la journée ou de la nuit pour la greffe.
Nous sommes le 22 décembre 2005.
Je dors encore. J'ai eu une dialyse éprouvante la veille.
Il est 8h10. Mon téléphone sonne. Je me réveille et je réponds.
C'est la néphrologue de mon centre de dialyse.
Elle me demande si elle ne me réveille. Bien sûr je réponds que non.
Le Dr A. me dit que je suis appelée pour la greffe et que je suis en seconde position. Les centres de greffes appellent quasiment toujours plusieurs receveurs potentiels au cas ou l'un deux ne soient pas en état de recevoir la greffe.
Elle me dit que le cross-match, cet important test de compatibilité avec le donneur est déjà en cours.
Comme j'ai été hospitalisée récemment, ils ont pu utiliser les résultats pour cet examen primordial.
Le Dr A. me dit que je dois patienter et qu'elle me rappellera dans l'après-midi.
En attendant, elle me dit de prendre du kayexalate pour faire baisser le potassium et de ne pas manger.
Je suis un peu sous le choc de la nouvelle. Un peu euphorique, un peu inquiète.
Je téléphone à mon mari, à mes parents, mes grands-parents, à la maman de mon mari...
La nouvelle fait le tour de ma sphère de proches.
Tout le monde est content mais m'invite à la prudence au cas ou ce ne serait finalement pas pour moi.
Maintenant il faut patienter.
Pour passer le temps, je vais sur le forum de Renaloo annoncer la nouvelle. J'ai beaucoup d'encouragements. Ça me fait du bien d'en discuter avec des personnes qui connaissent cette attente et cette incertitude.
L'attente est longue et angoissante. Je tente de passer le temps comme je peux.
Je surfe, je téléphone plusieurs fois à mon mari, aux copines, aux copains...
A 15h, je ne tiens plus et je suis inquiète qu'on m'ait oublié. Je téléphone au Dr A. pour lui demander si elle a des nouvelles.
Elle n'en a pas, mais elle me dit qu'elle va téléphoner au CHU pour en avoir. Ca me rassure de savoir qu'on ne m'oublie pas.
A 15h30, elle me rappelle. Fébrilement je décroche. Elle me dit que pour l'instant il n'y a pas de nouvelles du cross-match et que c'est parfois long.
Je décide de faire une petite sieste. C'est fatiguant de stresser et d'attendre depuis ce matin.
A 17h30, je suis réveillée en sursaut par la sonnerie du téléphone.
C'est le Dr A. Elle est enjouée et me dit que le greffon est pour moi. Mon coeur cogne très fort dans ma poitrine. J'ai du mal à y croire. J'étais seconde pourtant.
Elle me dit que je dois aller au CHU le plus rapidement possible.
Je téléphone à mon mari. Il me dit que ce n'est pas raisonnable que ce soit lui qui m'accompagne car sur sytadin, on voit bien que les routes sont bouchées de partout. On est à quelques jours de Noel, les gens vont faire leurs derniers cadeaux et prennent la voiture pour cela.
Je téléphone à la néphrologue. Je suis un peu perdue. Un peu incapable de prendre des décisions et d'organiser ce trajet.
Je tombe sur la secrétaire du centre de dialyse. Elle est bien sûr au courant de la nouvelle et un peu euphorique elle aussi. Je lui explique qu'il y a de gros bouchons et que je ne sais pas comment aller au CHU. Elle me dit qu'elle va s'en occuper et qu'en attendant, elle me passe la cadre du service.
Mme C. est super contente pour moi. Nous discutons ensemble 5 petites minutes. Elle me souhaite bonne chance et me passe une des infirmières, G.. G. est une infirmière qui part bientôt à la retraite. Elle est tellement contente pour moi. Elle a les larmes aux yeux. Je l'entends au téléphone.
Pendant ce temps, la secrétaire se démène pour me trouver une ambulance. G. me dit que c'est bon, qu'ils ont trouvé une ambulance. Elle arrive d'ici 15 minutes.
Peu de temps après, je reçois un appel d'un néphrologue du CHU. Il me demande quand je pourrais être là. Je lui explique que ça dépendra des bouchons et qu'on vient me chercher d'ici 10 minutes. Il me dit faites vite.
Pendant ce temps, mon mari part pour le CHU lui aussi.
L'ambulance arrive enfin. C'est parti pour le périple.
L'autoroute est complètement bouchée. L'ambulance met le gyrophare. Mais ça ne sert pas à grand chose. Elle roule sur la bande d'arrêt d'urgence à faible vitesse pour tenter de gagner un peu de temps.
Ce qui devait arriver arriva. Des motards nous repèrent et nous font signe de la main de nous arrêter.
Un des ambulanciers explique pourquoi nous sommes là. Les gendarmes ont du mal à le croire.
Comme je suis stressée, je suis un peu en mode hystérique et je dis au gendarme qu'il a qu'à téléphoner au CHU. Cette phrase fait visiblement mouche.
Ils vont nous escorter.
Nous partons donc avec 2 motards devant nous.
Le CHU me téléphone plusieurs fois pendant ce temps. Nous mettons 40 minutes à arriver, ce qui est un exploit avec la circulation.
Les gendarmes nous laissent à la fin de l'autoroute à un feu rouge.
L'un deux, celui que j'avais engueulé il y a 1/2 heure fait toc-toc à la fenêtre. Il lève son pouce, me fait un clin d’œil et un sourire. Il capte l'instant. C'est magique.
Enfin, nous voici au CHU. Je monte directement dans le service de néphrologie.
On me met dans une chambre seule. On me pose pleins de questions. L'infirmière me pose une perfusion de cortisone pour affaiblir mon organisme pour éviter le rejet aigu.
Mon mari arrive peu de temps après. Lui, aura mis 1h45 pour arriver.
Je pars faire une radio des poumons. Elle est nickel. Je serai bel et bien greffée ce soir.
Il est environ 21h. Mon mari a faim. Une aide-soignante lui amène de quoi grignoter.
On me dit que je vais monter au bloc vers 22h. Encore un peu d'attente. Je vois plusieurs néphrologues.
Le brancardier arrive. C'est l'heure d'y aller. En pleurs, je fais un dernier bisou à mon mari.
Une fois sur le brancard, je vois les longs couloirs défiler jusqu'au bloc.
J'ai très peur. J'ai les larmes aux yeux.
Nous arrivons au bloc. L'équipe de chirurgie m'attend. Je suis prise en charge par un infirmière qui m'aide à me mettre sur la table d'opération. Elle essuie mes larmes avec une compresse. Elle me sourit.
L'anesthésiste, une dame, vient se présenter. Elle me dit que c'est elle qui va m'endormir et s'occuper de moi. Quelques minutes après, le chirurgien se présente lui aussi. Je ne vois que ses yeux. Il baisse un peu le masque et me dit:
C'est une belle soirée, nous sommes là pour vous.
L’anesthésiste approche un masque à oxygène de mon visage. Elle me dit allez, on y va.
Elle me demande de compter jusqu'à 10.
Un.. deux.. trois.. quatre....
La greffe s'est bien passée !
A ma grande surprise, je ne reste que 15 jours en hospitalisation.
Très vite, je dois ré-apprendre la vie sans la contrainte des dialyses.
Je suis libre. C'est nouveau comme sentiment pour moi.
J'ai toujours un traitement lourd à prendre, mais c'est peu de choses en comparaison de la dialyse.
Qui aurait cru il y a 30 ans lorsque la greffe était à ses débuts que cette liberté serait possible?
La journée nationale de réflexion sur le don d’organes et la greffe et de reconnaissance aux donneurs est une journée importante pour moi.
Elle représente la valeur du don de soi pour la vie des autres.
Plus que jamais, parce qu'on est tous concernés, il est important d'en parler et de se positionner en famille et entres proches.
http://www.dondorganes.fr/
La suite bientôt !
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