La vocation, au sens catholique, est un appel, que Dieu fait à un homme ou à une femme, à s'engager dans une vie religieuse, sacerdotale ou monacale. L'appelé, ou l'appelée, devrait être libre de répondre ou non à cet appel, si d'ailleurs appel il y a. Cela n'est pas toujours le cas, avec de terribles conséquences humaines. Véronique Timmermans aborde ce sujet délicat dans son roman.
Jeanne, dix-neuf ans, le jour d'après-guerre où André vient à la maison avec son frère Jos, qui est prêtre comme lui, est troublée par cet homme de dix ans plus âgé qu'elle. Elle sent tout de suite qu'il est beau et charmant comme aucun autre homme: Je fus séduite immédiatement et entièrement, et fis tout pour le dissimuler à mes parents. Elle le fait parce qu'elle sait très bien qu'il s'agit d'amours interdites...
Bien plus tard, quand Catherine, sa fille, chercheuse à la Sorbonne, demande à Jeanne de lui parler de son père André, celle-ci se tait. Quand Jos, son frère, se meurt, Jeanne ne veut pas se rendre à son chevet et demande à Catherine d'y aller à sa place. Catherine ne comprend pas pourquoi ce silence, pourquoi cette coupure entre Jeanne qui s'est établie à Loubian, dans le Midi, et sa famille, qui vit à Gand.
Tandis que Catherine cherche à connaître l'histoire de ses parents, en s'occupant notamment, après sa mort, de liquider les affaires que son oncle Jos a laissées dans sa maison, le lecteur lit un texte écrit de la main de Jeanne où elle raconte son histoire d'amour avec André et les obstacles dressés par leurs deux familles pour empêcher qu'ils ne se voient, qu'ils ne s'écrivent et qu'ils ne s'aiment.
En fait André n'est pas devenu prêtre de son plein gré. C'est son père qui lui a demandé de faire un choix qui n'en était pas un: ou reprendre l'étude notariale familiale, ou, à défaut, devenir prêtre... Son propre père lui avait imposé de lui succéder et de renoncer à sa vocation religieuse, ceci expliquant cela, même si cet autoritarisme est incompréhensible aujourd'hui et n'était déjà pas une excuse.
Dans sa quête pour retrouver ses origines, Catherine reçoit heureusement l'appui d'Antoine, la quarantaine, un sculpteur sur bois, dont elle fait la connaissance à l'épicerie de Loubian... Cet appui ne sera pas de trop quand elle découvrira la véritable histoire de ses parents, de son père qu'elle n'a pas connu et de sa mère, une artiste qui a fait les Beaux-Arts à Bruxelles et l'a élevée seule à Paris.
Véronique Timmermans aborde donc ce sujet délicat des amours entre une femme et un prêtre. Et elle le fait avec délicatesse justement. Car elle laisse au lecteur le soin de se faire une opinion par lui-même à partir du texte de Jeanne et du récit de la quête de Catherine. Leurs deux époques parallèles, finement restituées, finissent par se concilier, laissant présager que l'histoire familiale n'en restera pas là.
Francis Richard
Jeanne, Véronique Timmermans, 242 pages, Plaisir de lire