Le ministère de l'environnement procède actuellement à l'élaboration d'un projet d'ordonnance relatif à l'autoconsommation d'électricité. Présentation d'un texte qui annonce une évolution remarquable des conditions de production et de consommation d'électricité.
Pour mémoire, la question de l'autoconsommation d'électricité est apparue assez récemment en droit. Jusqu'au vote de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique, l'autoconsommation n'était, explicitement, ni interdite ni encouragée dans son développement. Des dispositions éparses étaient cependant identifiables. Ainsi, l'article 266 quinquies C du code des douanes, dans sa rédaction issue de la loi " NOME " n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l'électricité, dispose :
" 5.L'électricité est exonérée de la taxe [TIFCE] mentionnée au 1 lorsqu'elle est :" Le groupe a distingué les deux notions " d'autoconsommation " et "d'autoproduction", qui ne recouvrent pas les mêmes comportements et conséquences.
L'autoconsommation peut se définir comme le fait de consommer tout ou partie de la production d'électricité sur le site où elle est produite (et éventuellement stockée). Cette part sera d'autant plus importante que la consommation du bâtiment est élevée au moment de la production.
L'autoproduction peut se définir comme le fait de produire tout ou partie de la consommation d'électricité sur un site où a lieu cette consommation et qui n'est pas soutirée du réseau. "
(...) 4° Produite par de petits producteurs d'électricité qui la consomment pour les besoins de leur activité. Sont considérées comme petits producteurs d'électricité les personnes qui exploitent des installations de production d'électricité dont la production annuelle n'excède pas 240 millions de kilowattheures par site de production ; "
De même, en mars 2016, ENEDIS a pu présenter son projet de modèle de convention de raccordement pour des installations en autoconsommation totale.
Pour faire le point sur les évolutions réglementaires à venir, un groupe de travail avait été constitué, en 2014, par le ministère de l'écologie. La Direction générale de l'énergie et du climat avait produit un rapport à l'issue de ces travaux qui peut être consulté ici.
Ce rapport comporte, notamment, une proposition de définition de l'autoconsommation mais aussi de l'autoproduction, la pertinence de recourir préférentiellement à l'un ou l'autre de ces deux termes ayant été débattue :
L'autoconsommation a, véritablement, été inscrit dans la loi, avec la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Son article 2 précise en effet que les politiques publiques " soutiennent l'autoconsommation d'électricité " :
" Les politiques publiques concourent au renforcement de la compétitivité de l'économie française et à l'amélioration du pouvoir d'achat des ménages, en particulier des ménages exposés à la précarité énergétique. Elles privilégient, à ces fins, un approvisionnement compétitif en énergie, favorisent le développement de filières à haute valeur ajoutée et créatrices d'emplois et soutiennent l'autoconsommation d'électricité. Elles garantissent un cadre réglementaire et fiscal favorable à l'attractivité de la France pour les investissements dans les industries intensives en énergie afin d'éviter le phénomène de fuite de carbone et de permettre une croissance durable (...) ".
L'article 119 de cette même loi du 17 août 2015 autorise le Gouvernement à définir, par ordonnance, le régime juridique de l'autoproduction et de l'autoconsommation :
" I.-Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi afin :
(...) 3° De mettre en place les mesures nécessaires à un développement maîtrisé et sécurisé des installations destinées à consommer tout ou partie de leur production électrique, comportant notamment la définition du régime de l'autoproduction et de l'autoconsommation, les conditions d'assujettissement de ces installations au tarif d'utilisation des réseaux publics de distribution d'électricité et le recours à des expérimentations. Un régime spécifique est prévu pour les installations individuelles d'une puissance inférieure à 100 kilowatts ;"
Par application de cet article 119, le ministère de l'environnement procède actuellement à la rédaction d'un projet d'ordonnance " relatif à l'autoconsommation d'électricité ". Un texte généralement bien accueilli par les fédérations professionnelles concernées.
Ce projet d'ordonnance insère les articles L.315-1 à 315-7 au sein du d'un chapitre V du titre Ier du livre III du code de l'énergie. Ces articles ont les objets suivants, ainsi résumés :
- article L.315-1 : définition de l'opération d'autoconsommation
- article L.315-2 : possibilité d'opérations d'autoconsommation individuelle ou collective
- article L.315-3 : tarifs d'utilisation des réseaux publics de distribution spécifiques pour les consommateurs participants à des opérations d'autoconsommation individuelle ou collective (micro-TURPE)
- article L.315-4 : libre choix du fournisseur d'électricité pour compléter l'alimentation en électricité
- article L.315-5 : cession de l'électricité excédant l'autoconsommation
- article L.315-6 : droit d'accès au réseau public des installations participant aux opérations d'autoconsommation
- article L.315-7 : déclaration au gestionnaire du réseau public des installations participant aux opérations d'autoconsommation.
Définition de l'opération d'autoconsommation. Le projet d'ordonnance propose de donner la définition suivante de l'opération d'autoconsommation, à l'article L.315-1 du code de l'énergie :
" Art. L315-1. - Une opération d'autoconsommation est le fait, pour un producteur, de consommer lui-même et sur un même site tout ou partie de l'électricité produite par son installation. "
On soulignera que seule l'opération d'autoconsommation est définie et non l'opération d'autoproduction, citée à l'article 119 de la loi du 17 août 2015. S'agissant de l'opération d'autoconsommation, celle-ci peut être totale ou partielle. L'autoconsommation individuelle doit cependant être réalisée sur un même site.
Possibilité d'opérations d'autoconsommation individuelle ou collective. Il s'agit ici de l'une des dispositions les plus remarquables de ce projet d'ordonnance. Le projet d'ordonnance prévoit de rédiger ainsi le nouvel article L.315-2 du code de l'énergie :
" Art. L315-2. - L'autoconsommation peut être collective lorsqu'une vente d'électricité s'effectue entre un ou plusieurs consommateurs finals et un ou plusieurs producteurs, liés entre eux notamment sous forme d'association, de coopérative ou de syndicat de copropriétaires, dont les points de soutirage et d'injection sont situés sur une même antenne basse tension du réseau public de distribution. Cette vente d'électricité constitue l'opération d'autoconsommation collective."
L'opération d'autoconsommation peut donc être collective, ce qui est susceptible d'encourager considérablement son développement. Les consommateurs et producteurs peuvent être liés entre eux : sous forme d'association, de coopérative ou de syndicat de copropriétaires. Le projet d'ordonnance n'impose donc pas une forme spécifique et donc contraignante d'association entre les acteurs d'une opération d'autoconsommation collective à l'échelle d'un immeuble, d'un quartier etc...
" Art. L. 315-6. - Au regard de son monopole de distribution au client final, chaque gestionnaire de réseau public de distribution d'électricité garantit un droit d'accès au réseau public et facilite les opérations d'autoconsommation, notamment en ce qui concerne le comptage de l'électricité livrée." Le cas échéant, un site d'autoconsommation peut bénéficier des dispositions du chapitre III du titre IV du présent livre."
Tarifs d'utilisation des réseaux publics de distribution spécifiques pour les consommateurs participants à des opérations d'autoconsommation individuelle ou collective (micro-TURPE). La question de l'inscription ou non de l'opération d'autoconsommation dans l'assiette du tarif d'utilisation des réseaux publics de distribution est une question sensible. Le projet d'ordonnance prévoit de rédiger ainsi le nouvel article L.315-3 du code de l'énergie :
" Art. L. 315-3. - La Commission de régulation de l'énergie établit des tarifs d'utilisation des réseaux publics de distribution spécifiques pour les consommateurs participants à des opérations d'autoconsommation individuelle ou collective, en tenant compte du niveau de tension auquel sont effectués les injections et les soutirages d'électricité. "
Le projet d'ordonnance tranche donc ce débat en faveur d'un TURPE spécifique aux opérations d'autoconsommation individuelle ou collective. Il appartiendra à la CRE de fixer lesdits tarifs.
Libre choix du fournisseur d'électricité pour compléter l'alimentation en électricité. Lorsque l'installation participant à une opération d'autoconsommation ne suffit pas au besoin en électricité, le complément pourra être acheté au fournisseur d'électricité librement choisi par l'exploitant autoconsommateur.
Le projet d'ordonnance prévoit de rédiger ainsi le nouvel article L.315-4 du code de l'énergie :
" Art. L. 315-4. - Chaque consommateur final participant à une opération d'autoconsommation peut faire appel au fournisseur de son choix pour compléter son alimentation en électricité."
Cession de l'électricité excédant l'autoconsommation. Dans le cas inverse à celui visé à l'article L.315-4, lorsque la production excède l'autoconsommation, le surplus peut être vendu à un tiers ou cédé gratuitement au gestionnaire de réseau. Le projet d'ordonnance prévoit de rédiger ainsi le nouvel article L.315-5 du code de l'énergie :
" Art. L. 315-5. - Par dérogation à l'article L. 321-15, les injections d'électricité effectuées à partir d'une installation de production d'électricité, d'une puissance installée maximale définie par décret, dans le cadre d'une opération d'autoconsommation sur le réseau public d'électricité et qui excèdent la consommation associée à cette opération, peuvent faire l'objet d'un contrat de vente avec un tiers, le cas échéant avec le fournisseur qui alimente également ce site ou sont, à défaut, cédées à titre gratuit au gestionnaire du réseau public sur lequel il est raccordé et viennent en compensation des pertes techniques de ce dernier. "
Droit d'accès au réseau public des installations participant aux opérations d'autoconsommation. Le projet d'ordonnance prévoit de rédiger ainsi le nouvel article L.315-6 du code de l'énergie :
Ainsi le droit d'accès de l'autoconsommateur au réseau public de distribution est garanti. Le chapitre III du titre IV du lire III du code de l'énergie est relatif au régime de la fourniture.
Déclaration au gestionnaire du réseau public des installations participant aux opérations d'autoconsommation. Un décret d'application doit venir préciser les conditions de mise en service des installations en autoconsommation et Le projet d'ordonnance prévoit de rédiger ainsi le nouvel article L.315-7 du code de l'énergie :
" Art. L. 315-7. - Toute installation de production d'électricité participant à une opération d'autoconsommation doit être déclarée par son exploitant au gestionnaire du réseau public compétent préalablement à sa mise en service dans des conditions fixées par décret. "
En conclusion, il apparaît que ce projet d'ordonnance contribue au développement de l'autoconsommation en ouvrant, notamment, les possibilités d'autoconsommation individuelle ou collective. Toutefois, ce texte doit être complété par d'autres textes pour parfaire le cadre juridique applicable à l'autoconsommation.
Il conviendra notamment : de publier un décret relatif aux conditions de mise en service des installations en autoconsommation, de publier les tarifs d'utilisation du réseau pour ces installations, de préciser la place de l'autoconsommation dans les SRADDET et les S3RENR, d'étudier le régime juridique des installations de stockage...