Depuis bien longtemps, je n’ai pas confié d’éclats de voix à mon blog. Pour cause : le mensonge et l’imbécillité sont devenus tellement quotidiens dans notre société que je passerais chaque heure, chaque minute, chaque seconde de ma vie à les mettre en scène pour les démasquer et les dénoncer.Mais, cette fois, ce que l’on nomme encore respectueusement « Justice » déraille tellement en Aquitaine que les mots se sont imposés d’eux-mêmes à mon clavier.Car la décision de la Cour d’appel de Bordeaux dans l’ « Affaire des grenouilles de Grignols » est d’un caractère tellement inique et comique (s’il n’était pas si grave !) -du même tonneau méprisant que la sortie de l’ancien locataire de l’Elysée Sarkozy acharné à se faire passer désormais pour un amuseur public (on se souvient, c’était le 18 mai dernier, à Paris, ville de campagne… électorale !) : « Quand je suis en Asie, si vous saviez comme je me sens Européen… Quand je suis en Angleterre, si vous saviez comme je me sens Français… Et quand je suis dans les territoires et les provinces de France, si vous saviez comme je me sens Parisien ! »- que je n’ai pas pu résister. J’ai donc abandonné quelques instants les personnages de mon roman en cours d’écriture pour jeter un pavé dans… la mare bordelaise !La situation :A Grignols (Dordogne) Annie et Michel Pecheras sont propriétaires d’une mare qui a eu l’heur de plaire à des grenouilles en recherche de refuge pour leurs amours. Comme certains humains, ces délicieux batraciens (je ne parle pas de leur goût quand, déculottées, elles gisent dans une assiette débordantes de beurre aillé !) ont parfois la drague, puis l’orgasme sonore. Leurs soupirs et gémissements de bonheur ne font pas marrer le voisin de cette population heureuse de vivre car, au printemps, leurs décibels érotiques (mesurés par huissier) perturbent son sommeil. Convaincu que le Droit lui donnerait les moyens de faire déménager les amants infernaux, le voisin a demandé réparation de ses insomnies à la justice. Au terme d’un examen sérieux des comportements de la faune aquatique de Grignols et de ses humains dérangés, le tribunal de grande instance de Périgueux (magistrats de bonne ruralité) a débouté le plaignant au constat que « le degré de nuisance au-delà duquel est franchie la capacité de l’homme et de son environnement » n’avait pas été atteint. Il autorisait donc les grenouilles à s’aimer en toute légalité et liberté, et à inviter par leurs coassements leurs propriétaires et voisins à partager leur bonheur. L’affaire aurait pu en rester là, au grand plaisir des fabricants de boules Quiès dont les plus gênés auraient pu faire usage, mais…Stimulée par le concert batracien et la décision du juge, la testostérone du voisin n’a fait qu’un tour. Il a porté l’affaire devant la Courd’appel de Bordeaux (justice urbaine encombrée de gaz d’échappement et de brumes industrielles). Et là, sous le regard d’une zélée présidente décorée de peau de bête (hermine), les locataires amoureux de la mare de Grignols sont devenus de dangereux perturbateurs de l’ordre public! En application stricte d’une loi favorable au voisin insomniaque, ils ont écopé indirectement de la peine capitale puisque leurs protecteurs hébergeurs ont été mis en demeure de détruire leur paradis, de combler la mare. Or, pas de mare pour les grenouilles… pas de vie !Or, en France, jusqu’à preuve du contraire, nul ne peut s’arroger le droit de tuer les représentants d’une espèce protégée, que l’on soit paysan de Dordogne, Parisien égaré dans une campagne qu’il découvre soudain « hostile », ou… magistrat !Or, les grenouilles sont une espèce protégée !
Il devient donc urgent d’attendre, pour appliquer son arrêt, que la Cour bordelaise relise son Code, qu’elle en redécouvre entre les articles la cohérence et le bon sens, et qu’elles rendent aux grenouilles de Grignols le droit de s’aimer eu toute quiétude, selon les traditions millénaires de leur espèce, et de vivre en paix.