Je n'avais pas envie d'écrire un roman. Mais un je-ne-sais-quoi. Un fourre-tout. Un livre qui parle des femmes qu'on qualifie aujourd'hui de M.L.F. dès qu'elles s'avisent de broncher; de la nature qu'on appelle l'environnement comme si elle n'existait que pour nous servir d'écrin; de la Bretagne que l'on baptise région de l'Ouest pour mieux la désincarner; des jardins qui consolent; de la mer qui se moque si royalement des humains – pour combien de temps encore? –, des livres que les femmes se mettent à écrire maintenant et qui disent enfin les choses jamais dites, par nous parce qu'on nous persuadait qu'elles étaient sans importance, par les hommes, parce qu'étant hommes précisément, ils ne pouvaient pas les connaître. Et puis ce sont les femmes qui ont tout envahi; sans doute parce qu'aujourd'hui, elles sont devenues le grand sujet, le point d'interrogation, le problème, l'espoir.
Ce roman n'était pas un testament. Mon évasion, autobiographie parue deux ans plus tard, l'est davantage, en même temps qu'un témoignage:
Moi qui suis née en 1920, qui ai grandi sagement dans une institution catholique et qui suis arrivée à l’âge adulte sans même avoir le moyen légal d’exprimer mon opinion sur les orientations de mon pays, (je n’ai obtenu le droit de vote qu’en 1945, à 25 ans!) Moi qui me suis avisée, la quarantaine venue, que j’avais vécu une bonne partie de ma vie sans contraception ni IVG, (ce qui ne veut pas dire, hélas, sans avortements), sans avoir pu accéder aux écoles de mon choix, au pouvoir politique, aux hautes fonctions de l’État, pas même à l’autorité parentale sur mes propres enfants, j’ai l’impression d’avoir été condamnée à une interminable course d’obstacles.