Il y a quelques jours, un journaliste de TechCrunch critiquait la « French Tech » et déclenchait une mini-crise, autour d'un supposé manque d'ambition des startups françaises, qu'il dénonçait plus particulièrement. Plutôt que de rejeter en bloc sa perception, pourquoi ne pas tenter de chercher des solutions aux vrais problèmes qu'il soulève ?
Pour résumer l'objet des débats, Jon Evans, invité par notre gouvernement à faire un tour des initiatives hexagonales en faveur de notre écosystème entrepreneurial, en est ressorti avec l'impression que, pour une majorité d'intervenants (pouvoirs publics, grands groupes, investisseurs, structures d'accueil… et même les startups), le principal objectif visé est d'alimenter l'innovation des sociétés du CAC 40 à coup d'acquisitions. Il existerait des exceptions mais elles sont rares (qui, derrière Blablacar et Sigfox ?)…
Sans vouloir généraliser, il est évident que le constat correspond à une certaine réalité dans le domaine spécifique de la FinTech. Ainsi, du côté des acteurs en place, la vision, telle qu'elle est esquissée par la FBF, est sans équivoque : « les banques et la FinTech doivent travailler ensemble, c'est dans leur intérêt mutuel », assène Marie-Anne Barbat-Layani, sa directrice générale. En face, force est de constater que l'époque où les jeunes pousses clamaient vouloir prendre la place des institutions financières est révolue.
Naturellement, avec un tel état d'esprit, il vaut mieux ne pas rêver à faire de la France un nid de licornes disruptives. L'approche privilégiée de collaboration entre grandes structures et nouveaux entrants permet certes à ces derniers de se développer, mais elle est également le plus sûr moyen pour les premières de s'assurer qu'elles ne se feront pas dépasser, avec l'espoir (qui est plus souvent une illusion) qu'elle pourront profiter des innovations captées de la sorte pour rester compétitives, généralement après absorption.
Pour autant, faut-il considérer que les entrepreneurs sont coupables de céder à ce qui serait la « facilité » de l'acquisition ? Comme on l'a vu, il s'agit de la solution préférée des banques et, forcément, cette pression influence, d'une manière ou d'une autre, les stratégies de la plupart des investisseurs initiaux et des startups. Malheureusement, cette issue est surtout, dans bien des cas, la seule possible pour de jeunes entreprises qui ne peuvent obtenir les moyens de poursuivre leur rêve jusqu'à son terme…
En effet, en dépit de la relative simplicité avec laquelle il est possible de fonder une FinTech aujourd'hui, il ne faut pas se leurrer : comme le rappelle Benoît Legrand à propos des néo-banques, l'atteinte de la maturité (et, donc, du point d'équilibre économique) prend du temps et, dans l'intervalle, les investissements nécessaires sont lourds. Or, les sources de financement sont très peu nombreuses en France, surtout lorsqu'il commence à être question de lever des dizaines de millions d'euros.
En conclusion, il existe bien un obstacle réel à l'émergence de géants de la « French Tech » et il serait stupide de l'ignorer. Comme le montre la Silicon Valley depuis plusieurs décennies, la valorisation des jeunes pousses exige un écosystème de financement à la hauteur des ambitions (en montant, en accompagnement dans la durée…). À défaut, les idées prometteuses continueront à être englouties avant d'avoir exprimé leur véritable potentiel, à moins qu'elle n'aillent lever des fonds sous des cieux plus cléments.