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476ème semaine politique: pourquoi la France suffoque de sa politique

Publié le 18 juin 2016 par Juan

476ème semaine politique: pourquoi la France suffoque de sa politique

 

Comment ne pas suffoquer ?

La violence est partout, comme un craquement, involontaire chez certains, qui devient général. "L'adversaire" (politique, sportif, etc) a été remplacé par "l'ennemi" (politique, sportif, ou de classe). Les mots "dérapent", les dialogues deviennent "de sourds", la démocratie s'abime jusque dans les stades.

Comment ne pas suffoquer ? 


La violence
Dans le Nord de l'Angleterre, une jeune députée travailliste pro-européenne est assassinée de trois coups de feux et une dizaine de coups de couteaux. L'acharnement du forcené, un sympathisant d'extrême droite, choque, le meurtre émeut. A une semaine du scrutin sur le fameux "Brexit", la campagne est suspendue. Le meurtrier aurait crié "Britain First" à en croire des témoins. Devant la justice il braille "mort aux traîtres!", confirmant ainsi la portée politique qu'il voulait donner à son crime. Nombre d'observateurs pointent du doigt cette violence politique qui frappe nos voisins britanniques à l'occasion de leur référendum: onze ans après la France et son référendum sur le Traité Constitutionnel européen, le Royaume-Uni se déchire à son tour sur sa sortie de l'Union européenne. Les partisans du Brexit sont donnés vainqueurs par les sondages. Les milieux d'affaires s'inquiètent, la presse conservatrice est divisée.
En Méditerranée, 1 370 migrant au moins sont morts noyés depuis le début de l'année. MSF refuse les quelque 56 millions d'euros de subventions de l'Union européenne. L'ONG ne peut plus cautionner l'ignoble traitement réservé aux migrants. Depuis la signature de l'accord UE/Turquie en mars dernier (qui autorise le renvoi en Turquie de réfugiés syriens éligibles à l’asile en Europe) , 8 000 réfugiés, dont plusieurs centaines de mineurs, sont "stockés" dans les îles grecques. A Beyrouth comme ailleurs, on rechigne à délivrer des visas dans l'ambassade française.
Après le massacre de 49 clients d'une boîte gay d'Orlando par un déséquilibré rapidement récupéré par Daech, la France est frappé par l'assassinat d'un couple de fonctionnaires de police à leur domicile. La trop longue confession du terroriste, dans la maison du couple égorgé, témoigne du fanatisme sanglant et sectaire de l'individu.
C'est un loup solitaire, paraît-il. C'est surtout un fragile, un ancien délinquant comme bien d'autres avant lui (Merah, Kouachi, Coulibaly, etc.) qui croit gagner son salut en cachant ses pulsions mortifères sous un argument religieux fanatique. Les premiers résultats de l'enquête lui trouvent des complices.
A la cérémonie d'hommage quatre jours plus tard, un policier refuse de serrer la main de Hollande et Valls. Il est en colère.
L'outrance
476ème semaine politique: pourquoi la France suffoque de sa politiqueLe traitement médiatique du monde n'est pas en reste. Comme s'il fallait davantage d'huile sur le brasier, les couvertures de magazines qui sont placardées dans nos rues sont autant d'appels à la haine, la peur ou le défoulement.
Mais il y a pire encore: la parole contradictoire est peu audible, cantonnée à quelques amuseurs publics quand elle n'est pas purement et simplement censurée. La reprise en main des médias à l'approche du Grand scrutin se devine. La première chaîne cryptée du pays est ainsi purgée de toute contestation (suppression du Zapping et des JT, mise au pas de l'investigation, cryptage des Guignols de l'Info, démission de l'équipe du Petit Journal), sa filiale d'informations continues est recadrée dans la douleur, avec la suppression d'un quart des effectifs. Un objectif, ne pas gêner, ni troubler une campagne présidentielle en vue d'un autre coup de poker capitalistique par l'actionnaire breton. A "gauche", le Nouvel Obs vire sa directrice adjointe de la rédaction, laquelle explique le sens politique qu'elle donne à cette sanction.
Pour le reste, la presse indépendante est fragile. Elle se réfugie chez Mediapart, Charlie, Le Canard Enchaîné, Les Jours, Fakir, ou même La Tribune.

La casse
Sur nos écrans de télévision, le sport est abîmé par la violence des hooligans de la grande Europe. La violence est dans les stades. Loin d'être la grande fête populaire que l'on attendait, l'Euro 2016 ressemble à une tournée de hooligans avinés. La France se qualifie pour les huitièmes de finale de cet Euro 2016 d'une UEFA surfinancée. Hollande et Sarkozy blaguent ensemble dans l'estrade. Mais la fête est tâchée, entachée. Le spectacle lui-même est gâché par des affrontements de supporteurs. On s'inquiète de savoir si les matches ne sont pas joués trop proche de nos domiciles. Trois Russes condamnés à de la prison ferme, d'autres sont expulsés; et une dizaine d'Anglais interpelés.
Mais ce n'est pas tout. Depuis des semaines, chaque manifestation donne l'occasion à des casseurs de semer la violence en marge des cortèges. Mardi 14 juin, un cap est franchi. La manifestation nationale est l'occasion d'autres nouvelles violences, en début de cortèges, après les barrières de CRS et loin des troupes de manifestants. Les images d'une attaque au pavé contre l'hôpital pédiatrique Necker à Paris scandalisent à juste titre. Les racailles qui ont attaqué l'hôpital l'ont-elles fait sciemment ? Qu'importe, le gouvernement décide de se saisir de cette occasion pour fustiger la CGT: "on met la pression sur la CGT en prenant à témoin l'opinion" confirme un "haut responsable socialiste", anonyme bien sûr. Sur toutes les ondes, les réactions indignées se succèdent. Certains partisans du mouvement anti-loi Travail se croient obligés de répliquer en minimisant le fait divers, ou en rappelant l'autre casse, sociale celle-là, comme ces 22 000 suppressions de postes dans les hôpitaux publics décidées par l'actuel gouvernement.
L'irresponsabilité
Plus grave est la réaction officielle. Hollande puis Valls se servent des images de la façade abimée de l'hôpital. Mercredi, ils menacent d'interdire les prochaines manifestations syndicales. Valls évoque même un établissement "dévasté" sur France inter, le mensonge est flagrant. Cette instrumentalisation de la détresse des malades est grossière, et contreproductive. Il s'agit d' "institutionnaliser" la haine de la CGT. La stratégie du pourrissement n'a pas suffit. Place à l'attaque frontale. Fallait-il rappeler, comme la Ligue des Droits de l'Homme, à Manuel Valls qu'en démocratie, seul l’Etat est responsable du maintien de l’ordre ?
La énième rencontre entre le patron de la CGT et la ministre du travail, vendredi, ne débouche sur rien. Plus loin, le MEDEF bloque les négociations sur la nouvelle convention chômage. Au Sénat, la droite durcit la loi El-Khomri, en supprimant la rémunération des heures supplémentaires au-delà de 35 heures de travail hebdomadaire, en créant un "super-CDD" de 48 mois ("contrat de mission") et en relevant les seuils de représentation de personnel (11 à 20 salariés pour les délégués du personnel; 50 à 100 salariés pour la création d'un comité d'entreprise et d'un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail).
Les thuriféraires du pouvoir ont beau jeu de se réjouir de la baisse confirmée du chômage annoncée cette semaine. L'inversion de la courbe aura bien lieu cette année, on espère environ 210 000 créations d'emplois. Comparé aux 40 milliards d'euros de baisse de charges sociales accordées aux entreprises dans le cadre du Pacte irresponsable, cela fait cher l'emploi créé.
La violence se loge évidemment dans les paroles des opposants. Aucun prétendant, avoué ou pas, à la prochaine élection présidentielle n'a posé son angle de (pré)campagne sur la France rassemblée, l'apaisement ou la solidarité.
Du côté de LR, la primaire excite une droite déjà furibarde. Nicolas Sarkozy sillonne la France (quand il n'est pas à l'étranger pour fustiger son propre pays, comme cette semaine en Russie), à coups de discours anxiogènes et xénophobes. Alain Juppé conteste ces dérives: "Je refuse d’avoir l’identité malheureuse, frileuse, anxieuse, presque névrotique. Pour moi, identité ne rime pas avec exclusion ni refus de l’autre." Mais Juppé ne tiendra pas longtemps sur ce positionnement "mesuré". Il a la trouille, il décroche, trop tôt, dans les sondages.

Pour taire les contestations internes, le Parti socialiste s'invente une primaire. Il n'y aura ni EELV, ni le PCF, ni le Parti de Gauche. Seulement la "Belle Alliance Populaire", un machin qui compte le PS, le PRG et un sous-groupuscule écologiste.


Ne riez pas.
L'idée est simple comme du sarkozysme: enfermer Macron, Montebourg et les autres vrais-faux critiques "de l'intérieur" dans une joute interne à un Parti où le réflexe légitimiste devrait favoriser l'actuel président.  En creux, on retiendra que Jean-Christiophe Cambadélis, auteur de cette brillante manoeuvre, pense donc que Hollande n'est plus si naturellement le candidat légitime à sa propre succession.

A gauche, Mélenchon dépasse désormais Hollande dans les intentions sondagières de premier tour. Il défend "la France insoumise". 
Mais la France insoumise peut-elle être aussi un rassemblement optimiste, généreux et ouvert ?


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