" C'est un peu court jeune homme "...
Cyrano n'est pas Pogba et vice et versa. Dans la ligne droite des comportements aussi niais que stupides de nos petits héros du football, il s'est encore produit ce mercredi d'Euro 2016 et de France-Albanie une scène digne de notre théâtre tragi-médiatico-comique du 21e siècle sportif.
L'affaire, c'en est une nouvelle, fait grand bruit. L'idole des jeunes footballeurs en herbe et des coiffeurs en vogue s'est autorisé pour célébrer sa joie et son soulagement du but de la victoire, inscrit par Dimitri Payet (2-0), de recouvrir par sa main gauche, en pleine course et le visage rageur, le biceps de son bras droit plié et relevé.
La capture d'écran du geste controversé, provenant du circuit intérieur de l'UEFA et extraite d'une video provenant d'une caméra isolée, a seulement été publiée le lendemain.
Ni une ni deux, le petit monde de la grande presse du 2.0 puis celle, en désuétude du papier, sont montés sur leur grands chevaux. A justes gros titres puisque les souvenirs des grossiers sieurs Dugarry, Anelka (dont la réaction sur l'affaire Pogba ajoute encore à son sens aigu de l'analyse de l'évolution du monde !) ou Nasri, entre quelques autres, leur revenaient en pleine surface.
Un peu courtes donc, ensuite, les explications de l'intéressé qui s'est justifié en précisant par communiqué qu'il n'avait fait qu'exécuter à l'adresse de ses parents et amis en tribune un mouvement de danse et de sarabande dont il serait un habitué. Et pourquoi pas un majeur tendu vers le ciel qui aurait signifié qu'il s'était cassé un ongle...
Soit, décrypter n'est pas si simple. D'ailleurs la chaîne cryptée BeinSport, propriétaire des droits de l'épreuve et par là-même gardienne de l'image positive des Bleus et de la bienséance, a parfaitement brouillé elle aussi son message, sommant par mail ses salariés de ne pas diffuser les images du garnement. La RTBF, neutre, s'est, elle, fait une joie de le faire et d'exhumer le document gênant.
Video bras d'honneur PogbaMême si l'on n'est pas un expert des danses modernes, il ne faudrait pas prendre tous les observateurs pour des bigleux décérébrés. Paul Pogba danse mieux qu'eux, c'est certain, mais il sait mieux aussi qu'il venait de faire l'objet d'une campagne certes pas non plus subtile visant ses performances récentes en Bleu peu en rapport avec son talent, et que sa place sur le banc au début du match l'avait très vraisemblablement vexé au plus profond de lui-même. Plutôt que de réagir avec ses pieds, c'est à cette presse, éternelle et commode coupable, que le Turinois a très manifestement exprimé de ses bras son ressentiment.
Il apparaît donc, comme le nez immense au milieu de la figure de Cyrano, que le boniment du parfois génial Pogba est flagrant. Et que - vain souhait sans doute - l'Histoire, y compris celle du football, devrait être apprise et retenue surtout par les footballeurs. On ne parle point même de littérature mais, en citant encore la fin de la tirade du héros d'Edmond Rostand, on peut qualifier le conte de la nouvelle brebis égarée : " sot ! "