D’un côté, on accuse le gouvernement de vouloir réécrire l’histoire. De l’autre, on décrit la démarche comme une simple mise à jour de routine.
Le Canada est-il devenu à son insu un territoire où Google offre aux internautes le droit à l’oubli? Alors qu’en Europe, le géant de la recherche est légalement dans l’obligation de retirer de ses résultats de recherche les liens de citoyens menant à des contenus jugés «inadéquats, pas ou plus pertinents ou excessifs au regard des finalités du traitement», le Bureau du Conseil privé semble avoir demandé à ce que le poste du premier ministre puisse bénéficier d’un traitement similaire.
C’est en effet ce que laisse entendre la nouvelle concernant les déclarations de la députée conservatrice Candice Bergen cette semaine. Des documents déposés aux Communes par celle-ci révèlent que 51 requêtes ont été déposées auprès de Google pour supprimer des résultats de recherche menant à des billets publiés quotidiennement par l’ex-premier ministre Harper, à son journal vidéo, et vers des communiqués de presse de l’ancien gouvernement conservateur.
La députée conservatrice Candice Bergen.
Sans surprise, l’opposition officielle juge la pratique inacceptable.
«Le site Internet du premier ministre ne lui appartient pas et il ne peut en disposer comme bon lui semble : il appartient aux Canadiens», a déclaré la députée de Portage – Lisgar du Manitoba.
Mais pour le gouvernement libéral, la pratique n’est qu’une simple mise à jour technique de routine.
«Les Canadiens s’attendent à obtenir l’information la plus à jour et la plus exacte possible lorsqu’ils font une recherche sur Internet», a déclaré le président du Conseil du Trésor, Scott Brison, après avoir affirmé que personne au sein du gouvernement ne souhaitait voir Stephen Harper sombrer dans l’oubli – provoquant des éclats de rire au sein des banquettes libérales.
La réalité est autre
L’administration de tout site web peut demander au géant de la recherche de mettre à jour le catalogue des pages pointant vers son propre domaine.
Mais Google n’est pas au cœur du problème. Dans un communiqué, l’entreprise a déclaré qu’elle souhaite seulement que les résultats de son moteur de recherche mènent aux versions plus récentes des sites Internet.
Le véritable enjeu est plutôt la suppression desdits contenus du site officiel du premier ministre par le Bureau du Conseil privé, et non les demandes effectuées auprès de Google. En réalité, l’administration de tout site web peut demander au géant de la recherche de mettre à jour le catalogue des pages pointant vers son propre domaine.
Étant donné que les contenus rédigés par Stephen Harper ne sont plus accessibles sur le site du premier ministre, difficile de critiquer la volonté de Google de combattre le nombre de liens brisés que peut générer son moteur de recherche.
Alors que l’on ne retrouve aujourd’hui aucune nouvelle antérieure au 4 novembre 2015 sur le site officiel du premier ministre, le Bureau du Conseil privé a précisé que le matériel n’avait pas été détruit, et qu’il demeurait accessible auprès de Bibliothèque et Archives Canada.