Fatiguée, lassée, agacée, blasée, frustrée, épuisée, déçue, triste… Je ne saurais trop dire ce qui me correspond le mieux ces derniers temps mais une chose est sure, mon optimisme naturel en a pris un coup.
Dans un sens, rien n’a vraiment changé. C’est un peu l’histoire de ma vie qui s’est répétée, encore et encore, inlassablement, sans le moindre rebondissement. Mes actes sont sans arrière pensée. Je ne vais pas aider quelqu’un dans le seul but qu’il me soit redevable. Je n’attends rien en retour, je fais mon petit bout de chemin en me pausant quelques instants ici et là sur le bord d’un autre chemin, histoire d’y mettre un peu du mien, un peu de goudron dans les nids de poules des autres, pour qu’ils filent le parfait bonheur.
Mais quand je reprends ma propre route, je n’ai plus de goudron pour les trous et je continue tant bien que mal mon pauvre petit chemin. Oh je ne me plains pas… J’aime mon petit quotidien, j’aime vivre de cette façon. Je n’ai pas d’envies particulières, je n’ai pas de grands rêves d’avenir à coups de plages dorées et autre succès extravagant. Un petit chez moi, 2 ou 3 amis, une bibliothèque garnie suffisent à mon bonheur. Quelques imprévus et une plante verte, ça y est, vous avez le pays imaginaire version Bellule.
Seulement depuis un peu plus d’un mois, tout prend des proportions démesurées. Les chemins à côté desquels je DOIS (car ça n’est plus un choix mais une obligation depuis longtemps) m’arrêter sont chaque jour plus nombreux et leurs usagers plus exigeants. Je me tue à la tache, je fais de mon mieux, je m’applique tant que je peux, usant de ma personne et de ressources qui m’étaient même inconnues… La route fraichement goudronnée, je n’aurais même pas le temps de m’offrir ce petit plaisir égoïste qu’est la satisfaction personnelle, que déjà l’usager se plaindra qu’il y a un gravillon sur le brin d’herbe juste à côté, que le chemin n’est pas assez droit, que je n’ai pas tenu la main assez longtemps.
Fatiguée et honteuse de n’avoir pu faire mieux, je retourne alors sur mon chemin, contente tout de même à l’idée de retrouver MES nids de poules à moi…
Durant mon absence, d’autres voyageurs auront emprunté, ne serait-ce qu’un temps, mon chemin en n’y laissant pas des nids de poules mais de véritables nids d’autruches.
Mais je ne me plaint toujours pas. Je mets des baskets un peu plus solides, je prends mon élan et tente de sauter au dessus de ces trous inconfortables. Un saut… Deux sauts… Obstacle.
Si je me contente d’un petit chemin sur le plancher des vaches, d’autres en revanche, veulent aller plus vite plus loin et avant les autres. Alors ils prennent la voie des airs : Ce sont les avions. Et non contente d’avoir le job de réparatrice de routes trouées, j’ai désormais en plus celui de souffleuse de nuages.
Et je souffle et je souffle à l’en perdre. Je manque d’air mais j’en crée, encore et toujours plus pour que rien n’entrave le chemin des avions. Lorsque ceux ci partent, ne laissant derrière eux qu’une longue trainée blanche comme pour me remettre les nuages que j’ai soufflé sans relâche, je descends de mon petit escabeau, rechausse mes baskets et reprend mon élan jusqu’au prochain carrefour à nids de poules/autruches ou avion en attente de voir se dégager son horizon…
Où je veux en venir ? Nulle part. Si je me retourne, je ne vois plus qu’un chemin dont le goudron s’est évanoui sous d’autres pieds ou d’autres routes, véritables départementales grillagées et inaccessibles, partant vers un avenir qui n’est pas le mien.
Si je regarde devant moi, je ne vois plus que nuages et trous à affronter. Les miens, chaque jour plus nombreux mais qui resteront inlassablement en attente pendant que j’irais reboucher les trous des uns et souffler les nuages des autres.
Oui, je suis fatiguée. Mais je suis surtout triste. Triste d’en être arrivée là, triste de ne pas pouvoir faire plus, triste de toujours voir des mains demandant de l’aide et non une main, juste une, pas plus, m’en proposant…
Je m’applique à redonner de la couleur à tout ça. Je repeints les murs de ma chambre, je change le look de mon blog, j’entretiens l’aquarium, je mets des jolies fleurs sur mes fenêtres. Tant de petites notes de fausse gaieté et de nouveauté, dans le seul but de cacher que dans le fond, j’ai atteint la limite du supportable, que ma vie me semble chaque jour plus précaire et plus terne, que mon avenir ne s’annonce pas plus radieux…