Après les chaines de montage, la robotique envahit les entrepôts. La robotique sous toutes ses formes, depuis les chariots robotisés jusqu’aux drones en passant par les robots automatisés et les gardiens.
Shekar Natarajan, vice-président des technologies émergeantes de Walmart a fait cette annonce voici quelques jours. Le numéro 1 mondial de la distribution va déployer des drones dans ses entrepôts de stockage. Equipés d’un scanner, ceux-ci vont réaliser les inventaires de cartons et palettes entreposées afin de mettre à jour les stocks. Cette annonce n’est que l’une des nombreuses illustrations de l’impact de la robotique dans la logistique car les robots vont littéralement envahir les entrepôts du futur.
Amazon a montré une nouvelle voie
L’acte fondateur de cette logistique du XXIe siècle remonte au mois de mars 2012 quand Jeff Bezos, le PDG d’Amazon réalise l’acquisition de Kiva Systems pour 775 millions de dollars. Ce constructeur avait mis au point un petit robot dont l’unique fonction est de transporter des racks chargés de produits jusque devant un opérateur qui assure le « picking » et place les articles de la commande dans les cartons. Une approche baptisée « Goods to Man » qui permet de limiter les déplacements des opérateurs qui parcourent souvent plus de 10 km par jour dans les allées pour aller chercher les articles de chaque commande. En prenant le contrôle de Kiva, le géant du E-Commerce s’est assuré l’exclusivité de sa production pour répondre à ses propres besoins. Plus de 30 000 ont été déployés dans les centres logistiques d’Amazon.
Ce retrait de Kiva du marché a laissé le champ libre pour des constructeurs de robots et des startups qui ont elles-aussi mis au point ces drôles de robots de Picking. C’est le cas notamment de Balyo qui propose un kit de robotisation des chariots de manutention classiques, tandis que d'autres ont repris l'approche "Goods to Man" qui a démontré sa pertinence chez Amazon. Comme Hitachi avec son robot Racrew, l’autrichien Knapp AG et son Open Shuttle, le suisse Swisslog, filiale du géant allemand de la robotique Kuka et enfin du français Scallog. Pierre Yves Minarro, directeur des opérations de cette startup créée en 2013 souligne l’intérêt de cette approche : « Ce type de robot apporte une très grande souplesse. La mise en place de solution de robotisation des entrepôts classiques sont à la fois très couteuses et très structurantes. Il est absolument impossible de modifier rapidement de telles installations. Nos robots peuvent être déployés dans la journée car ceux-ci sont guidés par lecteur optique. Il suffit de coller des bandes au sol pour que ceux-ci puissent se déplacer dans l'entrepôt. »
Entre 5 et 6 robots peuvent prendre en charge une centaine de racks. Si les solutions d’automatisation classiques restent les plus efficaces pour les produits à très forte rotation, ces robots se montrent particulièrement adaptés aux contraintes du commerce électronique où il nécessaire pouvoir traiter un grand nombre de petites commandes au coût le plus faible. Parmi les premiers clients de Scallog, BSL un spécialiste de la logistique E-Commerce, mais aussi L’Oréal, Gémo, Rakuten. "Notre objectif est aujourd'hui de démocratiser l'accès aux robots dans ce secteurs. Jusqu'à présent, il fallait posséder son propre entrepôt pour l'équiper d'équipements couteux. Avec cette nouvelle génération de robots, il est très rapide de les déployer puis d'accroitre la surface de stockage en fonction des besoins, tout simplement en ajoutant des robots supplémentaires" ajoute Pierre-Yves Minarro.
Le robot du français Scallog est une solution de type « Goods to man ». Il apporte les racks d’articles jusqu’à un opérateur de picking. Une approche déployée à grande échelle par Amazon.
L’industrie s’intéresse aussi à cette approche nouvelle. Dernièrement, les robots du français ont été mis en service sur le site Airbus de Nantes. Un magasin automatisé modulaire a été mis en place afin de gérer 5 000 références de pièces. Avec les robots Scallog, Airbus espère pouvoir faire face à la montée en cadence de la production de l’Airbus A350 et atteindre 110 picks à l’heure.
Les robots de nouvelle génération en forte croissance
Ces systèmes de nouvelle génération vont démocratiser la robotique dans les entrepôts. Selon les chiffres de l’International Federation of Robotics, en 2014, 2 644 systèmes logistiques avaient été déployés dans le monde (+27% en un an). Il s’agit traditionnellement de systèmes constitués de convoyeurs, de systèmes de tri et de préparation installés à demeure dans l’entrepôt, à la différence de ces petits robots de nouvelle génération, guidés par logiciel et faciles à redéployer en cas de besoin. Dans le même temps, 2 164 véhicules guidés autonomes ont été déployés dans les usines et 400 en hors environnements industriels, soit une croissance de 29%, des chiffres qui n’incluent pas les robots Kiva.
Les recherches se poursuivent néanmoins pour aller plus loin dans cette robotisation du « picking ». Amazon a ainsi lancé un concours annuels, l’Amazon Picking Challenge et met au défit les roboticiens et les chercheurs de retrouver les articles d’une commande dans un rack via une caméra vidéo et de les déposer de manière totalement autonome. Des chercheurs de l’université de Berlin ont remporté l’édition 2015 de ce concours doté de 26 000 $ de prix et la prochaine édition aura lieu lors de la Robocup 2016, entre la fin juin et le début du mois de juillet 2016 à Leipzig, en Allemagne.
Les Américains de Fetch Robotics, des vétérans de la robotique à l’origine de Willow Garage, se sont positionnés sur ce marché des robots « logisticiens ». Ceux-ci ont créé une gamme de robots capables de porter des bacs d’articles, de suivre un magasinier ou encore de réaliser un inventaire via des antennes RFID. Sur certains prototypes, les ingénieurs ont doté leur robot d’un bras qui lui permettra d’aller beaucoup plus loin dans le picking et sans doute remplacer totalement les magasiniers dans les années à venir.
Le drone, un nouveau venu dans les entrepôts
Si les robots montent en puissance dans la « supply chain » des industriels et de la distribution, une autre forme de robots devrait faire une apparition très remarquée dans les entrepôts, les drones. Walmart vient d’annoncer sa volonté de les déployer des drones dans ses entrepôts mais un Français, Hardis Group a lancé un projet similaire dès 2015, le drone « Eyesee » : « Nous avons déposé un premier brevet en Janvier 2015 et lancé la phase de fabrication de 4 prototypes au début de l’année 2016 » retrace Stéphane Cadenet, responsable du programme Eyesee chez Hardis. « Nos prototypes sont en cours de test chez un grand acteur européen de la logistique afin de valider nos choix techniques. » L’objectif du Français est de mettre au point un drone « inventoriste » qui, armé d’un scanner, va parcourir inlassablement les allées des entrepôts afin de dresser un inventaire complet des articles stockés, potentiellement sans aucune intervention humaine.
Pour mener à bien cette tâche, le drone doit être capable de se repérer très précisément dans l’entrepôt, localiser chaque emplacement logistique, identifier les étiquettes sur les cartons ou les palettes par analyse d’image pour enfin scanner les informations. « Pour être opérationnel, le système doit être parfaitement fiabilisé et autonome. Il doit vraiment simplifier la vie des logisticiens. Pour des raisons de coût, le drone doit pouvoir fonctionner sans pilote et celui-ci doit être capable de se recharger seul. Cela nécessite de 6 à 9 mois de travail pour arriver à une solution vraiment viable. »
Outre les aspects réglementaires notamment liés à la sécurité du travail, plusieurs difficultés de taille doivent être résolues avant de lancer un drone à l’assaut d’un entrepôt. Il faut notamment doter le drone des bons capteurs car celui-ci sera amené à évoluer dans un environnement fait d’acier et de béton et naviguer parmi les cartons. En outre, l’éclairage peut énormément varier selon que le drone est au niveau le plus bas ou plus proche du plafond. « Il s’agit autant de contraintes d’environnement qu’il faut absolument valider en environnement réel et non pas sur le papier ou en laboratoire. De même, pour sa géolocalisation indoor, il n’y a pas de solution universelle. Le drone devra s’appuyer sur diverses solutions techniques, selon la typologie de l’entrepôt. Celui-ci sera notamment connecté au WMS (système informatique de gestion d’entrepôt) qui va lui transmettre la cartographie de l’entrepôt. Le but est d’arriver à une solution qui fonctionne sans avoir à déployer d’équipements supplémentaires dans l’entrepôt. » Stéphane Cadenet espère avoir validé les cas d’usage du drone d’ici la fin de l’année et l’industrialisation de l’Eyesee devant être lancée début 2017.