Il est probable que, comme moi, vous vous êtes déjà précipités sur une bougie d’ambiance qui promettait de restituer dans votre bureau confiné cette délicieuse fragrance offerte par la nature : l’odeur de la terre après une pluie d’été.
Il est probable aussi que vous vous soyez retrouvé très déçu à peine la bougie allumée, remisant la fautive dans un placard obscur et la laissant prendre la poussière pour l’éternité. Pour ma part, j’ai eu beau chercher, je n’ai jamais trouvé aucun parfum d’ambiance qui reproduise de façon satisfaisante cette senteur aérienne, végétale, aqueuse et terrestre à la fois.
Qu’est-ce qui rend cette odeur aussi difficile à reproduire ? Avant tout elle est complexe, mêlant des composantes végétales, minérales, aqueuses et ozoniques ainsi que des évocations de terre humides. Mais la chromatographie en phase gazeuse nous apprend qu’il y a dans la seule huile essentielle de rose damascone un nombre impressionnant de composants odorants et la parfumerie moderne sait bien approcher ces notes-là. Alors, pourquoi celle-ci échappe-t-elle encore et toujours au savoir-faire des parfumeurs ? La science, et en particulier une découverte récente du Massachusetts Institute of Technology, nous aide à comprendre une partie de cette énigme.
Pour commencer, cette odeur porte un nom : le pétrichor, et personnellement le fait qu’un tel mot existe me réjouit. Ce terme a été inventé en 1964 par deux géologue Australiens, Isabel Joy Bear et Roderick G. Thomas. Il est formé à partir du grec ancien πέτρα, petra (« pierre ») et de ιχώρ, ichor (« sang, fluide »), et désigne « le liquide huileux secrété par certaines plantes puis absorbé par les sols et roches argileux pendant les périodes sèches et qui, après la pluie, dégage une odeur caractéristique en se combinant avec la géosmine » (source : Wikipedia).
Techniquement parlant, on suppose que la formation de cette odeur serait due à la volatilisation de substances organiques odorantes (lipides, terpènes, caroténoïdes, etc.) lorsque l’humidité de l’atmosphère atteint la saturation.
Mais pour la première fois, on vient de découvrir qu’un phénomène mécanique joue aussi un rôle dans la formation de l’odeur de pétrichor. Pour faire cette découverte, des chercheurs du MIT ont utilisé des caméras haute vitesse pour enregistrer la manière dont l’odeur se diffusait dans l’air. Pour cela, ils ont effectué près de 600 expériences sur 28 types de surfaces différentes, incluant des matériaux artificiels et des échantillons de sols.
Ces images montrent que lorsqu’une goutte de pluie tombe sur une surface poreuse, comme de la terre par exemple, elle capture de minuscules bulles d’air avant de les renvoyer immédiatement dans l’atmosphère sous forme d’une brume microscopique. Cette brume parfumée extrêmement légère, dénommée aérosol, est ensuite diffusée dans l’air par le vent. Les images ci-dessous, prises à haute vitesse, montrent ce phénomène :
L’étude a également montré que les gouttes de pluie qui tombent à un rythme lent tendent à produire plus d’aérosols, ce qui expliquerait pourquoi l’émanation de pétrichor est plus fréquente après les pluies légères.
Il y a donc deux actions différentes qui entrent en jeu dans la formation du pétrichor : la libération d’éléments naturels présents dans le sol à cause de la pluie qui vient frapper le sol et une action physique qui donne un « boost » à leur diffusion dans l’air. Cela expliquerait pourquoi ces senteurs emprisonnées en temps normal dans la terre se diffusent si intensément après l’ondée.
Grâce à cette étude du MIT on en sait un peu plus sur la diffusion du pétrichor, en revanche on ignore toujours pourquoi elle exerce sur notre cerveau une fascination aussi intense et aussi universelle. Mais peut-être est-là le travail des neuro-scientifiques ou des psychologues ? Ce serait en tout cas un passionnant sujet de recherche pour tous les addicts de cette odeur.
Hervé Mathieu