Dans une communauté de rat, il y a les forts, les faibles, les amoureux. En période de guerre, il n’y a aucun scrupule à piller ouvertement les réserves des hommes. C’est aveuglé et enhardi par l’amour d’une jolie ratonne que notre héros se retrouve pris dans une ratière. Mais il ne sera pas exterminé comme la vulgaire vermine qu’il est aux yeux des soldats. Baptisé Ferdinand, il devient la mascotte du soldat Victor Juvenet et découvre la vie domestique. Nourri, soigné et populaire, le rat s’attache à son maître et le suit dans les tranchées. Vu à hauteur de rat, la grande guerre se révèle de manière originale.
Il y a un côté “Ratatouille” dans cette parole donné au rat. Cet animal méprisable se voit ici offerte une élocution particulièrement soignée, une réflexion philosophique très fine, et c’est une ironie tout à fait mordante que de confronter le point de vue sage d’une vermine à celui des soldats. Il apporte un humour certain à ce récit, et surtout une certaine bonne humeur, car avoir un rat au milieu des soldats leur fournit une animation permanente et des situations cocasses. Nul n’est en effet meilleur que lui pour détester les colis arrivés de l’arrière qui contiennent de succulentes provisions, par exemple…
Et pourtant. La guerre est toujours aussi horrible, violente, injuste et écrasante. Même pour un rat. Il constate les effets des gaz sur ses camarades, témoigne des familles détruites et des ruses mises en place pour qu’une femme puisse rendre visite à son époux malgré la rigueur drastique de l’armée. Il ne comprend pas toujours tout du premier coup, mais son regard est neuf et plein de compassion. La critique est amère et encore une fois, c’est toute une autre dimension qu’elle prend lorsqu’elle émane de celui qui n’est pas humain. Le parallèle entre le rat, le plus humain de tous, et ceux qui creusent leur tranchée pour survivre comme de la vermine fait d’autant plus froid dans le dos. A rat, rat et demie, pourrait-on dire…
La note de Mélu:
A découvrir.
Un mot sur l’auteur: Pierre Chaine (1882-1963) est un dramaturge français, ancien poilu. Il rédige cette fiction satirique en 1915, depuis le front.