Aujourd’hui, je voudrais vous parler d’un journal qui s’affiche ouvertement libéral, qui paraît tous les jours. Et pour cette fois, il ne s’agit pas de Contrepoints, mais de l’Opinion dont le fondateur, Nicolas Beytout, lançait il y a quelques jours un coup de gueule pour dénoncer le traitement particulier qui semble réservé à son quotidien.
Il est tout remonté, Nicolas, et il le dit, et l’écrit même dans un édito paru le 13 juin dernier dans lequel il nous explique les raisons de son mécontentement. Cela fait trois ans que l’Opinion a vu le jour, et à en lire l’édito irrité de son fondateur, ce ne furent pas que des années d’excitation et de plaisir. Tout semble en effet avoir été fait pour pourrir l’existence du quotidien de la part de l’État et de son administration, en amoncelant les procédures à son encontre. D’après lui, son journal fait l’objet d’un véritable acharnement administratif et fiscal.
Rien ne nous a été épargné (…) : Harcèlement fiscal, acharnement procédurier, si l’on doit juger l’existence d’un titre au niveau de tracasseries et de coups bas dont il est victime, alors, oui : l’Opinion existe !
Diable diable, voilà qui paraît invraisemblable au pays des Droits de l’Homme, de la Liberté d’Expression et du Je Suis Charlie porté en bandoulière à chaque fois qu’on peut ! Et pourquoi donc l’État s’en prendrait tout particulièrement à l’Opinion ? Peut-être serait-ce lié à son positionnement, revendiqué ouvertement libéral, justement ? Ce ne serait pas si étonnant quand on se rappelle que d’autres publications (Valeurs Actuelles, par exemple) ont, régulièrement, rencontré des soucis ou se sont plaintes de pressions précisément en fonction de leur positionnement idéologique.
D’autre part, si Beytout n’explicite pas la nature des harcèlement fiscaux et procédurier que le journal subit, il est plus prolixe sur une iniquité dont il s’estime victime :
« cette duplicité des pouvoirs publics à notre égard est à peine croyable (et) culmine dans l’obstination avec laquelle le gouvernement nous tient à l’écart des aides à la presse, seul quotidien national à en être systématiquement et artificiellement exclu »
Apparemment, le gouvernement fait donc absolument tout ce qu’il peut pour que ce nouveau quotidien ne bénéficie pas des mêmes droits que les autres. Force est de constater que le fondateur n’a pas tort au plan du droit, et on comprend sa complainte de se retrouver ainsi laissé pour compte des subventions publiques, par ailleurs si généreusement distribuées aux vieux organes de presse, biaisant de façon assez claire la concurrence qu’on voudrait pourtant loyale.
On pourrait même y voir l’une de ces subtiles (et pourtant si idéologiquement possibles) discriminations tout à fait dans les cordes d’un gouvernement socialiste et jamais en panne d’une rouerie pour contrer un adversaire politique, fut-il un journal. Du reste, depuis Fleur Pellerin, la discrimination des organes de presse pour des motifs vaseux ne les effraie plus vraiment et ce d’autant plus que ceux qui sont actuellement massivement subventionnés n’ont pas montré le moindre signe de gêne.
Ceci posé, il ne faudrait pas non plus perdre de vue les bases essentielles qui fondent le libéralisme dont (ça tombe bien) se réclame l’Opinion.
Et ainsi, plutôt que réclamer, par voie d’édito et à demi-mots, que les subventions publiques lui soient aussi versées, Nicolas Beytout aurait tout intérêt à demander plutôt qu’elles ne soient versées à personne. Certes, cela rendrait évidemment difficile la pérennité de certains modèle d’affaire de ces journaux quotidiens, mais sur le plan idéologique, quelle magnifique leçon assènerait-il à ses concurrents ! D’autant que si ces subventions venaient à stopper, cela apurerait un grand coup le paysage journalistique français d’un certain nombre de productions douteuses dont l’équilibre financier hors de ces subventions n’est plus qu’une chimère rigolote.
Et justement, compte tenu des résultats obtenus actuellement, il serait plus que temps d’en finir avec ces robinets à pognon ouverts en grand à destination d’une presse qui a amplement prouvé son pouvoir de nuisance intellectuelle ou son inanité.
Il n’est qu’à voir la dilution dramatique des opinions dans un gauchisme teinté de sociale-démocratie molle pour comprendre qu’en lieu et place de pluralité, on n’a plus qu’une même soupe de bienpensance et de politiquement correct en béton armé. Je ne détaillerai même pas les performances douteuses en terme de copier-coller de la plupart des rédactions qui en viennent à reproduire avec application l’orthographe hésitante d’une AFP douillettement engoncée dans ses biais idéologiques multiples (et parfois contradictoires). Et lorsqu’on se rappellera que ces subventions ont très malheureusement permis le maintien vaille que vaille (et surtout coûte que coûte) d’épaves journalistiques comme l’Humanité, des torchons ridicules comme Libération ou des malades compulsivement déficitaires comme Le Monde, tous épongés par un contribuable qui ne les lit même plus, on aura bien du mal à trouver le moindre attrait dans cette manne publique.
Et puis lorsqu’avec deux milliards d’euros par an, on parvient à « hisser » la France à la 45ème place mondiale (rapport RSF 2016), y a-t-il vraiment de quoi pavoiser, voire de quoi continuer ? Nos voisins européens, qui n’en distribuent pas la moitié, obtiennent bien plus pour leur argent…
Enfin, puisque l’Opinion fonctionne actuellement sans cette douteuse manne publique, le journal de Beytout prouve par l’exemple (et avec son augmentation de chiffre d’affaire de 20% l’an dernier) qu’il n’a en réalité pas besoin de ces expédients et que, finalement, à force d’articles de qualité et d’une ligne éditoriale réellement innovante dans un pays gangrené par le Tout-à-l’État, il y a moyen de faire un journal rentable et solide, bref, qu’à côté du socialisme plus ou moins dur de la presse subventionnée, « une autre opinion est possible ».
Mieux encore : si Beytout parvient à équilibrer son journal sans subventions, ce que je lui souhaite d’ailleurs sincèrement, l’Opinion deviendra alors une formidable machine de lutte contre l’avachissement journalistique catastrophique dont souffre notre pays, et n’aura pas le moindre scrupule à se réclamer du libéralisme qu’il aura alors appliqué à la lettre.