Bonjour à tous,
Je ne sais pas ce qui me prend en ce moment, mais mes doigts fourmillent quand il s'agit de charger la politique éducative de notre République. Peut-être est-ce la fin de l'année ou encore est-ce un échauffement pré-correction... J'en profite en tout cas pour inaugurer une nouvelle série à laquelle je réfléchis depuis un moment : "De la poudre aux yeux". Son objectif est simple : analyser puis déjouer les stratégies communicatives des hommes et femmes politiques et démasquer les mensonges et autres cuistreries proférées par nos "élites". Dans ce numéro 0 "spécial Baccalauréat", c'est notre ministre Najat Vallaud-Belkacem qui sera le cobaye.
Tout commence en fait avec cette vidéo publiée hier sur le compte Twitter officiel de notre ministre de l'Education, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, lors de la conférence de présentation du Baccalauréat 2016.
Son objectif est d'en finir avec la prétendue "baisse du niveau" que les dinosaures et réactionnaires de l'Education Nationale ne cessent de fustiger. Analysons rigoureusement la vidéo.
-La ministre introduit son propos en défendant le Baccalauréat et en faisant un peu d'histoire pour montrer que les critiques à l'égard sont anciennes. Elle ainsi l'exemple d'une critique datant de 1947. L'objectif est double : associer la critique de la "baisse du niveau" au passéisme, et montrer que cette critique n'a aucun effet puisque le Bac lui résiste.
-Elle s'étonne ensuite qu'on ne se situe pas sous le niveau de la mer : humour oblige, il faut également discréditer par l'absurde ceux qui émettent des critiques.
-Notre ministre poursuit avec une petite expérimentation qu'elle a mené elle-même : se plonger dans les épreuves actuelles du baccalauréat. Son protocole se résume ainsi : lire une consigne de mathématique en entier et avec toutes les subtilités du langage mathématique afin d'en mettre plein la vue à son auditoire, le tout d'un air narquois mais peu assuré.
-Sa conclusion, ponctuée d'un rire un peu agaçant, est de balayer par l'absurde les critiques qui "n'amènent pas d'autre réponse" selon elle, tout en défendant l'examen du baccalauréat (comme si ceux qui critiquent la baisse de son niveau n'en avaient rien à faire...).
Tout cela fut par ailleurs appuyé par un autre tweet émanant d'un membre de son cabinet.
https://twitter.com/RazakParis/status/742313806236397568
Le soucis de ces interventions, c'est qu'elles oublient des faits tout en manquant de rigueur.
Problème n°1 : La démonstration de Najat Vallaud-Belkacem est incomplète. En effet, la consigne que notre ministre s'impose, c'est de démontrer que le niveau n'a pas baissé, puisqu'elle rejette les affirmations de ceux qui prétendent que le niveau baisse. Or, pour cette démonstration, il aurait fallu non seulement étudier un sujet actuel, mais également un sujet plus ancien, avant la dernière réforme du lycée par exemple, ou pourquoi pas 1947 puisqu'elle utilisait la date auparavant. S'arrêter à la lecture d'une consigne, sans l'analyser ni la comparer ne démontre strictement rien. Mais de cela, notre ministre s'en est bien gardé. Par ailleurs, elle n'aurait peut-être pas du choisir "au hasard" son sujet car de l'avis de plusieurs professeurs de mathématiques, cette consigne est très simple pour un candidat de terminale S. Elle ne requiert pas de réflexion très poussée mais plutôt une application mécanique d'une formule.
Problème n°2 : L'exemple de base est trop étroitA notre ministre, il faudrait également signaler que le baccalauréat ne se résume pas à une question. Il y a en effet de nombreuses autres matières que les mathématiques, et dans l'épreuve elle-même, d'autres exercices. Se baser sur un exemple aussi étroit sans prendre l'examen dans sa globalité, c'est assez loin d'une rigueur scientifique. Il aurait peut-être mieux valu prendre des avis d'experts ou rapports. Mais il est probablement plus clinquant de souffler cette poudre arithmétique aux yeux pour défendre son avis...
Problème n°3 : Des faits manquantsLe dernier problème concerne davantage le tweet qui défend l'avis de notre ministre. Celui-ci a le mérite de rappeler que dans les programmes de mathématique du lycée apparaissent actuellement des thématiques qui dans les années 1980 étaient enseignées en classe préparatoire. Il s'avère que c'est vrai et qu'un exemple apparaît même plus loin. Cependant (et le format twitter est bien arrangeant ici), il ne fait pas une analyse complète des programmes. Il omet en effet de dire que nombre de notions en mathématiques ont également fait le chemin inverse : elles ne sont plus enseignées au lycée mais en classe préparatoire. Il semblerait que ce soit le cas des équations différentielles, de l'intégration par partie, du calcul combinatoire, des barycentres ou encore des suites adjacentes.
En résumé, la stratégie communicative est ici simpliste et peu élaborée. Le fond est rétrogradé bien loin derrière la forme et le langage mathématique joue bien son rôle de poudre aux yeux, permettant à notre ministre de "balayer par l'absurde" (sic) les critiques. Sur ça au moins, elle ne se plante pas : tout cela est bel et bien "absurde".
Sur ce, bonne chance à tous les candidat(e)s au baccalauréat 2016 !
Vin DEX