Champions de la voiture électrique, chantres du stockage d'énergie, les deux patrons et leurs deux groupes chassent sur les mêmes terres. Mais avec des moyens et des méthodes différentes. Et le plus solide n'est pas forcément celui auquel on pense.
Malgré les grèves et les pluies qui touchent toutes les deux Paris, la RATP a annoncé la mise en service de son premier Bluebus électrique. Un bus qui coûte la bagatelle d'un demi-million d'euros, soit le double d’un bus diesel classique. Un bus qui montre l’engagement de la RATP et du Stif à mettre en place des transports en commun plus propres à Paris et en Ile-de-France.
Le Bluebus électrique mis en service fin mai 2016En effet, ce Bluebus est équipé d’une batterie Batscap, assemblée dans le Finistère. Derrière ce prisme breton se cache le plus puissant homme d'affaires d'Armorique, Vincent Bolloré déjà à l'origine depuis 2012 du service Autolib’ à Paris déployé aussi depuis à Bordeaux ou à Lyon pour ne citer que la France.
Plus de 20 ans en R&D
Au-delà de l’intérêt écologique que la RATP ou plusieurs grandes villes trouvent à installer des services de transport électriques, il est intéressant de se pencher sur l’aventure industrielle du Groupe Bolloré qui se cache derrière cela. Car dès 2001, Bolloré investit une part importante de sa R&D dans la création de batteries électriques via la société Batscap qui s’appelle aujourd’hui BlueSolution et qui regroupe l’ensemble des activités autour du stockage d’électricité du Groupe. Selon le Groupe Bolloré, BlueSolution regroupe aujourd’hui 300 chercheurs, revendique plus de 20 ans de R&D et un investissement atteignant les 2 milliards d’Euros.
L'électrique selon Bolloré BlueSolution
Des méthodes très différentes
Sans tambour ni trompettes, Bolloré commence à se positionner sur un marché qui n’est pas celui des moyens de transports électriques mais bien celui du stockage de l’énergie électrique, exactement comme un autre pionnier de la voiture électrique, la star américaine Elon Musk. Certes, ce dernier est connu pour ses berlines électriques sportives et haut de gamme Tesla, loin des pots de yaourt Autolib, même siglés Pininfarina. Entre le Californien et le Breton, qui est le plus fort ? Leurs méthodes en tout cas divergent.
Modèle de Tesla en rechargement
Lorsqu’il fonde Tesla Motors en 2003, Elon Musk doit faire des investissements considérables pour essayer de lancer une voiture qui ne peut être que très haut de gamme avec un design et des performances bluffantes pour essayer de pénétrer un marché automobile américain plus que mature. C’est là toute la stratégie de Musk : faire des coups incroyables, jouer de la "com," rendre sa marque désirable. C'est ce qui fait qu’il est toujours à flots aujourd’hui malgré des pertes importantes (200 million de dollars l’an dernier). Son nouveau pari ? L'ouverture prochaine d'une giga factory pour la production de batteries. Car il a dévoilé l’an dernier le vrai but de son entreprise : qui n’est pas d’être fabriquant de voitures, mais bien de batteries. Il a ainsi dévoilé en 2015 le Tesla Powerwall à destination des ménages et des entreprises.
Les reins solides
En terme de chiffre l’aventure de Bolloré et celle de Tesla ne sont pas comparables... à un détail près, Bolloré revendique 2 milliards d'euros d’investissements. De son côté, Tesla, star du Nasdaq, avec sa valorisation à 30 milliards de dollars, compte environ 2 milliards de fonds levés donc investis. Bolloré peut-il vraiment se battre contre Musk ? Un groupe industriel français qui fabrique de petites automobiles pour les municipalités peut-il rivaliser avec Tesla, désormais cité en exemple comme premier disrupteur de l’automobile aux Etats-Unis ?
Vincent Bolloré - crédit photo : Frederic Legrand - COMEO
Il existe en tout cas une différence de taille. Bolloré est un groupe industriel historique aux reins solides avec une valorisation boursière de 12 milliards d'euro et un chiffre d’affaires de 10 dont l’électrique est un diversification prometteuse. Tesla, lui, n’est pas encore rentable. Et s’il n’arrive pas à convaincre rapidement les investisseurs, le groupe Tesla (voitures et batteries) pourrait boire la tasse en Bourse comme en février de cette année lorsque la chute du prix du pétrole mais aussi une baisse de la demande pour les voitures lui avait fait faire un plongeon aussi brusque que rapide au Nasdaq.
Le Breton bondissant
Le champion national de la voiture électrique n’a donc pas à rougir devant les vrombissements californiens : le projet Bluecar réussi, Bolloré avec l’aide de Renault ou PSA produit désormais la BlueSummer mais aussi la eMehari et depuis 2013 Bolloré teste son stockage grande capacité à destination des entreprises avec le producteur d’electricité Compagnie Nationale du Rhône. Vincent pourrait donc réussir là où Elon tâtonne encore. Et les réussites de ce dernier dans le secteur spatial avec sa fusée révolutionnaire car réutilisable SpaceX pourrait bien donner des idées au Breton bondissant.
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