Hier fut donné le coup d'envoi de la semaine du baccalauréat et des conflits sociaux. D'un côté, épreuve de philosophie, de l'autre épreuve de force sous la forme d'une opération escargot sur les routes de France. Les transporteurs routiers protestent contre les prix très élevés du gazole à l'appel des trois principales organisations du secteur. Ils ont toutefois pris soin de programmer leurs actions entre 9 heures et 16 heures pour ne pas gêner outre mesure les candidats au baccalauréat. Si j'en parle, c'est justement parce que j'ai réussi à sortir de l'autoroute par chance avant de tomber dans l'embouteillage que j'ai vu venir à 1km... Il y avait tout de même, au total, quelque 3 000 camions qui participaient à des opérations escargot dans toute la France !
Rappelons que les entreprises du secteur routier sont effectivement malmenées par la cherté du carburant : le poste carburant représentant 30 % de leurs dépenses, on comprend immédiatement que faire rouler une flotte de poids lourds revient de plus en plus cher. Les organisations représentatives estiment que les entreprises du secteur routier français souffrent d'une fiscalité désavantageuse comparativement à leurs rivaux européens, aussi bien sur le gazole que dans le domaine social. Elles ne se satisfont donc pas des mesures annoncées le 5 juin : accélération du remboursement de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), étalement du paiement des charges fiscales et sociales, adoption d'un amendement à la loi de modernisation de l'économie qui prévoit de répercuter obligatoirement la hausse du gazole dans les factures des transporteurs, sous peine d'une amende allant jusqu'à 15 000 euros...
Les transporteurs demandent par conéquent des allégements de charges et une compensation de la hausse des péages. Le secrétaire national de l'Unostra (l'Union nationale des organisations syndicales des transporteurs routiers) demande même un gazole européen professionnel pour que tout le monde ait le même tarif. Cela annonce des discussions houleuses en perspective, notamment lors de la table-ronde qui se tiendra au ministère des transports le 19 juin. D'ailleurs, la FNTR a déjà prévenu qu'elle comptait reconduire ses actions de protestation le 25 juin, au cas où elle ne serait pas entendue...
Au niveau des pistes qui existent pour faire baisser le prix des carburants on peut citer :
* Plafonner la TVA sur les produits pétroliers
Le 27 mai, Nicolas Sarkozy évoquait sur la possibilité de réduire la TVA sur les carburants et de la plafonner. Le problème c'est qu'il faut l'unanimité des pays membres de l'Union européenne pour les questions fiscales... La véritable difficulté que je vois avec ce dispositif c'est que l'on perdra des ressources fiscales et on n'incitera pas les gens à consommer moins.
* Rétablir la TIPP flottante
Rappel : la TIPP est une taxe perçue sur les volumes vendus et non sur les prix de vente du produit. La hausse du prix du pétrole n'a donc pas de répercussion sur ses recettes. La TIPP est différente pour le gazole, le sans-plomb ou le fioul domestique. Son montant est fixé chaque année par la loi de finances votée par le Parlement. Le mécanisme de la "TIPP flottante" fut mis en place par le gouvernement de Lionel Jospin en 2001 et consistait à faire baisser la taxe proportionnellement à l'augmentation du produit de la TVA. Avantage de la TIPP : il n'y aurait pas besoin de l'aval des autres membres de l'Union européenne pour la réinstaurer. Mais avec le déficit public et Bruxelles qui passe nos comptes au microscope, cela risque d'être difficile...
* Taxer davantage les bénéfices des compagnies pétrolières
Là on est clairement dans l'acte symbolique : le directeur général de Total, Christophe de Margerie, a annoncé le 9 juin que Total, que l'entreprise verserait 102 millions d'euros pour financer l'augmentation de la prime à la cuve. Le problème c'est qu'à un moment, Total va finir par trouver la taxation trop lourde et risque de s'installer ailleurs...
* Augmenter la production de pétrole
On sait que les représentants des pays du G8 ont appelé les pays producteurs de pétrole à augmenter l'investissement pour maintenir un bon approvisionnement des marchés. ceci notamment car l'Organisation des pays producteurs de pétrole (OPEP), qui représente 40 % de la production mondiale, a jusqu'à présent refusé d'augmenter sa production, estimant que la hausse des prix était due à la spéculation et non à un déficit d'offre. Ne soyons pas dupe non plus : les pays de l'OPEP n'ont pas envie que les prix baissent à nouveau. Comme le pétrole est en partie facturé en dollars et que le dollar est faible, les cours élevés compensent leur perte de pouvoir d'achat...
* Limiter les actions spéculatives sur les cours du pétrole
Pour limiter les actions spéculatives sur les cours du pétrole, l'agence américaine de régulation des marchés des matières premières (CFTC) examinerait actuellement les modalités de négociation des contrats à terme pétroliers. La CFTC pourrait ainsi classer certains acteurs comme spéculateurs, leur imposer des appels de marge plus élevés et les obliger à tenir leurs positions dans des limites définies à l'avance.
* Supprimer les subventions à l'essence
Certains pays émergents subventionnent les prix de l'essence pour les plus pauvres, contribuant ainsi à soutenir la demande de pétrole et donc les cours. C'est évidemment une position symétrique de celle adoptée par les pays riches qui subventionnent, quant à eux, l'agriculture.