Les auteurs anglo saxons, contrairement aux notres, excellent dans l'art de nouvelles et même les plus grands romanciers s'y essaient de temps à autre avec souvent pas mal de bonheur..
Petite floraison à travers la critique de trois livres parus récemment et dont on vous conseille dare dare la lecture...
1. Incandescences; Ron Rash ( édition Points)
"Puis son esprit s’était égaré en un lieu où elle n’avait pu le suivre, emportant avec lui tous les gens de son entourage, leurs noms et les liens qui les unissaient, s’ils vivaient encore ou s’ils étaient morts. Mais son corps s’était attardé, dépouillé d’un être intime, aussi vide qu’une carapace de cigale. »
A cheval entre la modernité de son style et l'empreinte des thèmes de ces auteurs classiques, les livres de Ron Rash tissent un parralèle évident entre la psychologie humaine et les paysages de montagne qui servent de décor naturel à l'intégralité de son oeuvre, et assurément, la tension entre la beauté des paysages naturels et de la violence intrinsèque des personnages est une des clés récurrentes de son oeuvre.
Dans l'ensemble des 12 nouvelles d'Incandecence, les personnages de Rash sont tous façonnés par la nature qui les ont naître et grandir mais également par le passé qui peut ressurgir à tout instant.
Rash explique son succès en France- et celui de Jm Harisson un auteur dont il se sent proche- par le fait qu'on est un peuple qui était encore essentiellement rural il y a un siècle et profondément attaché à notre histoire, comme le sont aussi les romanciers du Sud des USA.
"Incandescences", encore plus que dans ses romans, témoigne de la puissance du style de Rash, épuré, où chaque mot, chaque phrase chaque mot a son importance , et pour lui, la nouvelle, à mi chemin entre le poème et le roman est sans doute l'exercice le plus difficile, mais celui qu'il préfère de tous
Rarement son économie de mot a été poussée comme ici à son maximum pour faire comprendre en quelques paragraphes, tout ce qu'il faut savoir du passé et de la personnalité de ses personnages .
Ainsi "l'envol", une histoire de crash d'avion vu à travers les yeux d'un enfant qui le découvre, est sans doute le plus remarquable de toutes les nouvelles du livre, afin de montrer toute l'efficacité de la puissance stylistique de Ron Rash, ce grand romancier américain que les rares spectateurs privilégiés de cette belle rencontre étaient ravis de le voir descendre de ses montagnes américaines.
MD
2. Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants, Michael Cunnigham
« Sa vie, il le dit lui-même, n’est pas la pire de toutes. Peut-être est-ce suffisant. Peut-être ne doit-on pas désirer davantage – souhaiter simplement que la situation n’empire pas »
On avait laissé l’illustre romancier Michael Cunningham, l’auteur du très beau roman The Hours (adapté au cinéma par Stephen Daldry) avec un joli et mélancolique Snow queen, dernier roman en date.
Le voici de retour en 2016 à un exercice singulier et périlleux, la réécriture des contes de fées. En se posant la question de savoir ce qu’il se passe après la dernière page des contes de fée, lorsque le prince et la princesse vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants"
La Belle et la Bête, Jack et le haricot magique, Raiponce, Blanche Neige et les sept nains, Hansel et Gretel, l’auteur cherche dans tous ses contes à savoir si l’amour dure toujours ou bien n’est ce pas là le début des désillusions : un Prince Charmant obsédé par les boîtes , des Hansel et Gretel, moins innocents que ce qu’il parait surtout vu du point de vue de la sorcière…
Un concept original, un exercice de style plutôt maitrisé pour un ton noir et souvent sans concession, pour un ensemble malheureusement et comme souvent dans ce genre de livre assez inégal.
La lecture est grinçante mais désarçonne un peu et l’ensemble manque un peu d’unité et de cohérence.
On retiendra particulièrement les belles illustrations de Yuko Shimizu qui collent parfaitement avec l'atmosphère féérique et un peu inquiétante souhaitée à cette relecture contemporaine intéressante mais pas entièrement convaincante qui pourrait laisser sur le carreau les fans du romancier.
3. Treize façons de voir, Colun McCann ( Belfond)
« Ce qu’il sait, en revanche, c’est que le froid et l’isolement seront importants : parce que ce récit traite de la Saint-Sylvestre, parce que Sandi sera prisonnière dans son cube de solitude humaine, comme la plupart d’entre nous à l’aube d’une nouvelle année, quand nous regardons à la fois derrière et devant nous. »
Colum McCann l’auteur irlandais qui a fait quelque chefs d’œuvre Et que le vaste monde poursuive sa course folle s’essaie à la nouvelle, avec un recueil écrit dans des circonstances particulièrement comme il nous l’explique dans le 4eme de couverture puisqu’il a été victime à New Haven, d’une violente attaque physique qui l’a laissé démuni physiquement et psychologiquement.
Sa réaction a donc été d’élaborer un recueil de nouvelles autour de la violence sous toutes ses formes. . La première- qui est carrément un court roman de + de 150 pages raconte d’ailleurs une histoire proche de celle qu’il a vécu, sans le dénouement tragique il s’agit d’un procureur qui se voit violemment agressé avant de trouver la mort. On suit la dernière journée avant son agression à la sortie du restaurant, et la construction, habile, et cette sorte de course contre le temps en fait l’histoire la plus interessante du lot
Psychologique, politique, verbale, sociale ou physique, la violence sous toutes ses formes et tout ce qui en résulte sont au cœur des cinq histoires de Treize façons de voir
Là encore l’ensemble est assez inégal, mais le coté profondément autobiographique de l’œuvre émouvant et viscéral ne peut laisser indifférent…une œuvre captivante et intime qui résonne en nous longtemps après l’avoir lu.