Et le temps a passé. Et le climat a changé. L’équipe nationale ne constitue plus mécaniquement un socle inaliénable d’union sacrée, avec des critères sportifs et humains dominants, mais une sorte d’agrégat de «personnes» (et non plus de citoyens) soumises aux regards suspicieux. Comme si leurs origines (on y revient) étaient une entrave à la sélection. Comme si un joueur à consonance étrangère devait, en permanence, et plus que tout autre, prouver sa francitude, son attachement au maillot et l’authenticité de ses sentiments envers son pays. Sans parler de la Marseillaise, devenue désormais une sorte de passeport bleu-blanc-rouge!
Immigration. Le Benzema façon bling-bling, exilé dans l’un des clubs les plus riches du monde et mis en examen pour chantage dans l’affaire de la sextape (concernant Mathieu Valbuena), n’a aucune leçon de maintien et de morale à donner à la France, d’autant qu’il y a tout lieu de croire que certains ne se gêneront pas –sauf en cas de succès le 10 juillet prochain– pour affirmer que les Noirs sont trop nombreux dans cette sélection concoctée par le même Deschamps. Mais ne soyons pas naïfs pour autant. Le battage médiatique et politique provoqué par les propos du Madrilène en dit long sur les questions identitaires renvoyées aux Bleus, et même, reconnaissons-le, sur cette pensée du fragment français, autrement dit l’odieux impensé racial toujours si présent. L’imbécillité de Benzema, sauf à considérer qu’il assume la force d’un ressentiment trop puissant pour être tu, profite évidemment à ceux dont le fonds de commerce s’alimente des discussions de caniveaux, les Finkielkraut, Zemmour, Ménard et tout le clan de Fifille-la-voilà. Il n’est donc jamais vain de rappeler à tous une simple vérité: ce que le football français doit à l’immigration ne réclame qu’admiration et adhésion. Ça s’appelle la France.
[BLOC-NOTES publié dans l’Humanité du 10 juin 2016.]