I.- La démocratie moderne est un assez curieux système. Il qui consiste souvent à persuader à ses nombreux adeptes, qui croient en vivre, qu'elle
est trop savante ou trop précieuse pour être remise entre leurs mains.
L'expression démocratique, de ce chef, est toujours en suspicion. Elle est supposée être première, certes, et souveraine. Mais elle n'en demeure pas moins sous contrôle. Elle est au-dessus dans
les principes, en-dessous dans les faits. L'optimisme théorique, qui la place au pinacle des constitutions modernes, s'efface dans la pratique devant un scepticisme cynique qui a tôt fait de la
remettre à sa place si elle n'est pas droite.
Qui la déclare ainsi, qui en a pouvoir, qui en a fonction ? En théorie, personne, puisqu'elle est souveraine. En pratique, les clubs, les clans, les partis, les groupes de pression, les medias
qui leur sont inféodés [1].
Bref, la démocratie moderne est une oligarchie qui s'ignore, ou qui préfère ne pas le savoir, c'est égal. Le bon citoyen, idéologiquement parlant, est celui qui croit l'être. Celui qui croit être
maître de son destin.
II.- En quoi peut-on mieux manifester que l'on est maître de son destin qu'en désignant les représentants que l'on entend se donner ? Pourtant,
l'expérience montre qu'une majorité ne s'est pas plus tôt dégagée qu'une minorité agissante, par tous les rouages dont elle dispose, s'emploie à la convaincre de ce qu'elle s'est trompée.
En quoi peut-on mieux manifester que l'on est maître de son destin qu'en s'exprimant sur la souveraineté du peuple auquel
on appartient, de l'Etat auquel on appartient ? Pourtant, là encore l'expérience montre que ces expressions sont sous contrôle. On se souvient encore des réactions publiques qui avaient suivi le
refus des Français, par voie de référendum, de ratifier le
projet de traité européen : ils n'avaient pas "tout" compris, ils n'étaient pas "mûrs" démocratiquement, et il était entendu aussitôt que l'on repasserait le plat bientôt pour en décider entre
gens convenables. Ce qui fut fait, comme dans d'autres pays. La démocratie a ses limites ; elles n'autorise pas un peuple à décider de son destin. S'il s'octroie la liberté de prendre à
contre-pieds sur ce point les oligarchies, alors le "peuple souverain" devient soudain un incapable majeur. Il l'est, forcément, puisqu'il croit sottement avoir cette liberté.
La population irlandaise a été appelée à se prononcer sur
son propre destin, dans le cadre de la communauté européenne. Ses institutions lui ont permis de le faire par la voie du
référendum, ce qui a suffi, avant même le commencement de la consultation, à provoquer contre ce pays une vague de pressions et de menaces voilées de la part de ses chers "partenaires". M.
Sarkozy n'était pas en reste. Et voici que les résultats tombent : l'Irlande dit "non". "Non, nous ne voulons pas de ce pseudo-traité de Lisbonne, mensongèrement présentée comme une
refonte du précédent projet, dont il n'est que la copie aggravée". Traité dont il faut notamment rappeler, pour mémoire, que Mgr Rey avait fortement souligné les dérives éthiques.
Déjà, alors que les résultats définitifs ne sont pas encore apportés, l'on entend mugir les "démocrates" de toutes plumes et de tous poils, qui invoquent la "catastrophe", la
"paralysie", le déluge peut-être ! Qui sait ? Eh, c'est que les règles officielles sont claires : pas d'Irlande, pas de traité....
Les résultats annoncés devraient se confirmer, malgré les pressions très fortes qui se sont exercées en Irlande même. Laissons-là toute appréciation sur le fond du pseudo "mini-traité". Et
retenons au moins une saine leçon de liberté. Merci l'Irlande !
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[1] le dessin ci-joint est tiré du site du Conseil général du Val-de-Marne ICI