Le coma des mortels de Maxime Chattam 3/5 (07-06-2015)
Le coma des mortels (389 pages) est paru le 1er juin 2016 aux Editions Albin Michel.
L’histoire (éditeur) :
"Qui est Pierre ?
Et d'ailleurs se nomme-t-il vraiment Pierre ?
Un rêveur ?
Un affabulateur ?
Un assassin ?
Une chose est certaine, on meurt beaucoup autour de lui.
Et rarement de mort naturelle.
Rebondissements incessants, métamorphoses, humour grinçant... Un livre aussi fascinant que dérangeant, en quête d'une vérité des personnages qui se dérobe sans cesse.
Un roman noir virtuose dont l'univers singulier n'est pas sans évoquer celui d'un cinéma ou David Lynch filmerait Amélie Poulain."
Mon avis :
Sacrée surprise ce Chattam ! Soyons franc, c’est un bouquin qui joue énormément sur l’inattendu (quoi qu’à force de lire et d’entendre que Le Coma des mortels est très loin du travail habituel de l’auteur, on finit par s’attendre à quelque chose de surprenant !)
Le style d’abord. J’ai eu du mal à retrouver l’écriture de ses précédents titres. La première personne et le cynisme omniprésent m’ont d’abord déroutée avant que je sois piquée par la drôlerie, l’effronterie teintée d’une certaine noirceur (quand même !) de l’histoire et que je me prête au jeu de cette nouveauté.
William a décidé de changer de vie. Mais avant de prendre une nouvelle identité et devenir quelqu’un d’autre (espérant ainsi échapper à son destin maudit), il tient à raconter qui il était avant et ce pourquoi il en est arrivé là.
« Avant de devenir William au paradis, j’ai été Pierre au purgatoire. » Page 17
Chapitre 39 (oui, oui, c’est bien par la fin que l’on commence ici…Et vous allez voir que tout est logique), nous voilà avec Pierre. Un Pierre de 31 ans, désabusé, en couple depuis 6 ans, en CDI après des études dans une école de commerce, un Pierre qui pète un câble et qui envoie tout valser (famille, femme ami, job…TOUT). Sauf son psy (« Mon psy est le WWF de la noirceur humaine » Page 65).
« J’ai plaqué toute mon ancienne vie, je n’étais pas heureux dedans. J’ai défait la fermeture éclair de mon existence et je change de peau. » Page 81
Il change donc de boulot et opte pour le premier venu : aide ménager au zoo de Vincennes (en gros : « ramasseur de cacas ») qui lui permet de révéler sa vraie nature. Il fait aussi la rencontre d’une jolie fille (collectionneuse de suicides) et semble presque bien.
Mais les meurtres autour de lui vont vite s’accumuler…
Alors s’il est question de meurtres ici (et si vous n’êtes pas encore au courant), Le coma des mortels n’est pas un thriller ! Comment dire ? En fait, je ne sais pas trop de quoi il s’agit.
Un livre noir ? Ok, mais pas assez à mon goût pour prétendre coller à cette étiquette.
Une romance ? On ne va pas s’emballer non plus !
J’ai lu quelque part qu’il s’agit d’un roman philosophique… Non mais franchement !!! Oui, ça laisse un peu songeur mais bon, c’est pas non plus la réflexion de l’année.
Inclassable ? Je trouve, oui. Mais l’étiquette est-elle indispensable au final ?
Oh, je suis cruelle !!! En vérité, je suis loin d’avoir passé un mauvais moment, mais le style loufoque et l’intrigue qui n’avance pas trop (et dont on devine assez vite le dénouement, même si ça reste incertain et flou) ont eu raison de mon enthousiasme des premières pages. L’engouement lié à la nouveauté s’est un peu envolé parce que ça finit par devenir un peu plat. Le protagoniste est tellement à fond dans ses réflexions qu’il en devient impossible de s’attacher et qu’on finit même par le trouver chiant !
Malgré tout, j'ai pris plaisir à découvrir l’écriture de Maxime Chattam sous un autre angle. Elle est ici plus travaillée, parsemée de belles formules et d’extravagances qu’une deuxième lecture est plus à même de nous dévoiler. Le profond côtoie le léger avec gravité, pathétisme, poésie et drôlerie. On sent que l’auteur s’est amusé à jouer avec les mots et à nous dépeindre des situations et des discussions parfois hallucinantes. Il y a ici beaucoup de passages intéressants et stimulant, et j’avoue que de ce point de vue je me suis régalée.
« La dépression c’est réaliser qu’on est des funambules en équilibre sur rien, absolument rien. Et puis soudain, on est tout au fond. (…)
En sortir c’est réussir à avancer de nouveau dans un numéro improbable d’équilibrisme.
Je me suis extrait de ma léthargie en décembre de l’année dernière. Mon déclic ? Une énième rediffusion de la fraternité incarnée.
Friends. Une sitcom hollywoodienne pour défier les ivresses vertigineuses de la métaphysique planétaire. Ça, si Dieu l’avait prévu depuis le départ, je veux bien entre damné. » Page 33
Le coma des mortels est un livre original qui va (et qui fait déjà) parler de lui. Fan du maître du thriller ou pas, à vous de vous faire votre opinion maintenant.
Quant à moi, je reste partagée…J’espère vite retrouver l’auteur dans un exercice que j’affectionne et dont il s’en tire à merveille : le bon triller bien ficelé, bien stressant et bien sanglant, tout en retrouvant cette plume piquante si surprenante.
La vérité c’est que la malédiction n’existe pas. J’ai tué toutes ces personnes mais mon autre personnalité refuse de l’avouer. Elle a pris le pouvoir et elle m’a enfermé dans le rôle de son psy. Je suis le frère assimilé, le bon en lui. Je ne suis plus que littérature, comme la vérité.