Reposant entièrement sur le traitement de l'information, le secteur financier est, par essence, le plus important employeur en informatique. Si une bonne partie des compétences requises est aujourd'hui externalisée, les transformations en cours semblent appeler à une ré-appropriation des expertises au cœur de l'entreprise « digitale ».
Même quand elles ne se comparent pas à la FinTech, les grandes banques et compagnies d'assurance font partie des rares organisations dans lesquelles l'informatique constitue le moteur même de l'activité. Leurs DSI (« Direction des Systèmes d'Information ») comptent ainsi des milliers de collaborateurs, auxquels s'ajoutent des myriades de sous-traitants, opérant souvent à distance, dans des pays plus ou moins lointains (Maroc, Roumanie, Inde…), où les coûts sont plus abordables…
Le mouvement d'externalisation a pris une telle ampleur que, dans bien des institutions financières, les effectifs internes sont principalement composés de responsables de projet, d'architectes de tout poil (techniques, applicatifs, fonctionnels…), de maîtres d'ouvrage (une spécialité bien française)… collectivement chargés du pilotage (au sens large), tandis que les réalisations concrètes sont, pour la plupart, déléguées à des sociétés tierces. Cependant, il existe (au moins) deux raisons pour lesquelles ce mode d'organisation doit maintenant changer radicalement.
Tout d'abord, le déplacement de la différenciation concurrentielle impose un recentrage des priorités. Dans une époque où, par exemple, l'application mobile représente pour le consommateur un des premiers critères de choix d'un fournisseur, il s'avère critique de maîtriser la chaîne de valeur technologique dans son ensemble. Il n'est plus possible de se contenter de définir un cahier des charges et de laisser des développeurs extérieurs s'emparer et devenir les uniques détenteurs de la connaissance des rouages.
Le deuxième enjeu est celui de l'agilité. L'évolution permanente des comportements des clients met les institutions financières sous la pression de la réactivité et de la flexibilité : il faut savoir répondre à leurs besoins fluctuants, toujours plus rapidement et plus efficacement. Or cette exigence est difficile (sinon impossible) à prendre en compte avec des équipes distantes et une multiplication des couches de responsabilité dans les prises de décision. La proximité avec le client final est la clé de l'entreprise « digitale ».
En conséquence, seule la réintégration de l'ensemble des compétences informatiques au cœur des modèles offre une perspective de reprendre l'avantage compétitif et répondre correctement aux attentes des clients. La capacité à constituer des équipes resserrées autour des projets, possédant à la fois une forte expertise technique et une profonde imprégnation de la culture d'entreprise et des métiers, capables de travailler au contact direct et permanent des clients, devient une condition primordiale de succès.
Loin de n'être qu'une vision théorique, le mouvement de ré-internalisation est déjà à l'œuvre, d'une manière ou d'une autre, dans quelques structures en avance sur leur temps. En particulier, il n'est plus si rare de rencontrer de telles approches dans des directions métier qui ont parfaitement compris, avant leur DSI, les nouveaux enjeux de la maîtrise des technologies de bout en bout pour leur activité. Au-delà, une véritable révolution s'annonce, qui ne sera pas aisée à accepter, tant l'habitude de l'externalisation bon marché, dévalorisant les exécutants, est ancrée dans les grands groupes…