Femmes tondues, le portrait de Marcelle Polge

Par Marine @Rmlhistoire

Après avoir lu ces deux livres achetés grâce à Tipeee, je vous présente un article sur les femmes tondues à la Libération.

 

Dans ce nouvel article je vous parle d’une période un peu trouble. Un peu bien, un peu moche : la libération de la France en 1945. C’est la fin de l’occupation allemande, c’est la fin de la présence ennemie dans le pays, c’est la fin de la guerre, mais clairement, ce n’est ni la fin de la rancœur, ni celle des représailles. Une partie des Français souhaite sanctionner toutes les formes de collaboration avec les Allemands durant les années d’occupation, notamment la collaboration horizontale.

Découvrez le portrait de Marcelle Polge, une jeune femme accusée d’avoir entretenu une relation avec un Allemand, mais découvrez également le phénomène de la tonte des femmes à travers son parcours.

Marcelle Polge, une icône nîmoise

Durant les années 1920, Marcel Courbier, artiste, crée « la Jeune Fille au Chevreau », une sculpture qui représente une meuf belle et un chevreau (parfois les titres n’ont pas de mystère). La fille qui a servi de modèle s’appelle Marcelle Polge. Elle est jeune, elle est belle. Elle va devenir une petite star lorsque la mairie de Nîmes décide d’acheter l’œuvre pour l’exposer dans le Jardin de la Fontaine en 1925. Tout le monde l’aime bien la petite, mais quelques années plus tard, Marcelle Polge va à nouveau être exposée aux yeux de tous.

Avant cela, c’est la guerre, et l’occupation allemande qui réserve son lot de surprises.

La guerre et l’occupation allemande

Entre mai et fin juin 1940, la France de Pétain et l’Allemagne négocient la paix. L’armée française se fait royalement démonter la gueule. Ça lutte, ça lutte, mais ce n’est pas suffisant. Alors l’ennemi va occuper le territoire, une partie d’abord, puis ça progresse. Il faut savoir que les Allemands, une fois installés dans les communes, ils ne terrorisent pas les Français. Au contraire,ils reçoivent comme ordre d’être de bons soldats : ils aident les vieilles à porter leurs courses, ils évitent de violer les femmes et ne menacent pas les hommes. Il faut cohabiter, pacifiquement. Le principal problème, c’est qu’il n’y a rien à bouffer pour la population française. Les tickets de rationnement c’est vraiment pas cool. En revanche, on peut dire que la présence allemande relance (un peu) l’économie. Sur place, il faut loger les soldats, les nourrir, les soigner, alors on crée du travail pour les femmes, principalement elles sont blanchisseuses, travaillent dans les hôtels qui sont réquisitionnés, ou cuisinières, femmes de ménage… Et ça va poser problème.

La collaboration horizontale

Les femmes (principalement) sont en contact quotidien avec les occupants. Ils sont jeunes, ils sont beaux et bien mis, et ils sont gentils. Alors PAF, ça tombe amoureux et ça fait des gamins. C’est pas bien vu, pas bien vu du tout. C’est le cas de Marcelle Polge, elle est mariée, certes, mais elle s’entend avec un commandant allemand. Sans doute couchent-ils ensemble. Finalement, on n’en sait trop rien. Une chose est sûre, elle a droit à pas mal de privilèges et elle en fait également profiter ses amis. Du tissus, de la viande, du pain. C’est pas Byzance, mais elle s’en sort mieux que les autres.

Marcelle Polge

Etre riche ou pauvre, Français ou Allemand, ça n’empêche pas l’amour ou l’amitié. Et quand ça arrive entre un Allemand et une Française, ça ne passe pas. Ce ne sont que des salopes qui trahissent les hommes morts pour la France, pour la liberté. Elles offrent leur cul pour un morceau de pain sans fierté ni dignité. Ou encore, ce ne sont que des traînées, des traîtresses ! Bref, ça ne passe vraiment pas.
A la libération, il va exister trois sortes de collaboration à sanctionner :

  • Politique : lorsque les nanas (ou des hommes) filent des infos politico-militaro-stratégiques, ou liées à la résistance.

  • Financière : lorsque les femmes ont accepté de travailler pour les occupants (les lingères, cuisinières…)

  • Personnelle ou Horizontale : lorsqu’il se crée de vrais liens avec les ennemis.

    La première des sanctions est la tonte. A peine les Allemands ont-il quitté le village que les premiers règlements de compte se mettent en place.

Les femmes tondues

C’est l’heure de la Libération, les villes et villages apprennent le repli des troupes allemandes et déjà on veut faire payer les Français qui ont été présents auprès des ennemis. Ce sont des collabos qui n’ont pas vécu la même guerre car ils ont pu connaître certains privilèges. Genre avoir accès à un travail, de la nourriture, mais le pire ce sont ces Françaises qui ont donné leur cul. Leur féminité. Alors on va la leur retirer. L’idée est de les humilier, ce ne sont que des « filles-à-boches ». Comme Marcelle Polge qui s’est liée d’amitié avec un Allemand.

La plupart des filles tondues ont entre 20 et 35 ans, elles sont célibataires et ont travaillé auprès des ennemis. Le nombre de femmes tondues s’élève à plus de 20 000 partout en France. Clairement, c’est pas une spécificité régionale. Il est important de noter que les femmes étaient « prévenues » car dans les journaux clandestins ont pouvait trouver des tracts qui menaçaient les « filles-à-boches » de violence, d’humiliation et parfois même : de mort.

Pour humilier les femmes, il est important de mettre en place une exhibition,une sorte de cérémonie de la honte. Souvent la femme est promenée dans les rues avec une pancarte du style « je suis collabo ». Ensuite elle est tondue, d’abord on coupe aux ciseaux, puis on rase. Certaines ont même une croix gammée inscrite sur le front (et pourtant, on reproche l’étoile jaune) et d’autres se retrouvent avec le pubis rasé, voire écorché. Finalement, elles sont exhibées souvent nues (c’est un vrai cortège avec beaucoup de monde), moquées, parfois lynchées et rentrent chez elles, souvent reniées par les membres de leurs familles. Des femmes ont été dénoncées à tort, on souhaitait les humilier pour diverses raisons, problèmes de voisinage, vol, querelles idiotes. En revanche, d’autres avaient des preuves : des enfants de boches. Certaines villes sont plus touchées par la tonte que d’autres. On peut en compter notamment 80 à Beauvais le seul jour de la Libération.

La France virile

Clairement, les femmes tondues sont le symbole (peu glorieux) de la reprise de pouvoir par les hommes, les Français. Genre « non, mais les boches sont partis, maintenant on redevient les chefs, et vu qu’on a bien eu les boules de devoir se soumettre durant l’occupation, maintenant, on va s’en prendre aux femmes. Elles ont travaillé aux services des Allemands ? On va les humilier, elles ne respectent pas les soldats morts pour la France. Elles ont parfois mieux mangé que les autres ? On va les humilier de leur manque de compassion. Elles ont ouvert les cuisses ? On va les humilier pour leur rappeler que leurs vagins sont Français. Et que non. Elles ne sont pas libres de leurs corps, de leur féminité.

Classe.

Drôle d’époque où d’un côté on donne la pleine citoyenneté aux femmes, elles peuvent voter, et de l’autre, on leur fait comprendre où est leur place : dans un foyer, sous le contrôle d’un homme.

Marcelle Polge, elle, elle n’a même pas connu le droit de vote des femmes car elle a été condamnée à être tondue, mais aussi fusillée. Le cortège va même aller jusqu’à s’acharner sur son cadavre en plantant un manche à balai dans son vagin.

Bin oui, notre vagin ne nous appartient pas. Il y a toujours quelqu’un pour nous dire comment, quand et avec qui on peut s’en servir.

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