Ironiquement, c'est à l'occasion d'une conférence co-organisée par la Singularity University et CNBC dans laquelle elle intervenait (et suivie d'une interview pour la revue American Banker) qu'elle a tenu des propos qui vont, dans une certaine mesure, à l'encontre des discours habituels (et totalement rhétoriques, dans bien des cas). En effet, tout en admettant que la technologie est essentielle pour la banque, C. Bessant rejette l'idée qu'elle puisse être assimilée à la FinTech, d'une quelconque manière.
Son argument principal tiendrait à une différence de responsabilités. Ainsi, selon elle, la FinTech procède essentiellement de l'expérimentation et les entrepreneurs qui se lancent dans l'aventure ont, dans leur immense majorité, vocation à échouer, sans que cela ne fasse la moindre différence à l'échelle du monde. À l'opposé, un groupe de la dimension de Bank of America ne peut se permettre de prendre le moindre risque avec un nouveau produit ou service, quand il s'expose aux réactions de 30 millions de clients…
Tout est dit et il ne reste plus qu'à enterrer l'idée d'innovation dans la banque, car même si C. Bessant maintient le contraire, il ne subsistera que des améliorations marginales et jamais de profondes transformations. La croyance (absurde) qu'il serait possible de créer de (vraies) nouvelles solutions dont le succès est assuré a priori est le moyen le plus sûr d'inhiber toute initiative. Sous forme presque caricaturale, voici un parfait exemple de l'obstacle numéro 1 au changement dans l'entreprise : la peur de l'échec.
En réalité, la différence entre la banque et une jeune pousse ne réside pas dans un niveau de responsabilité mais dans le courage. Il ne faut pas confondre le risque d'échec collectif (et anonyme) de la FinTech avec les enjeux auxquels fait face chaque entrepreneur : si son produit ne séduit pas sa cible, son projet s'effondre et il perd « tout ». En conséquence, il a bien plus de motivation à réussir que ne peut en avoir une organisation immense dans laquelle un raté sera compensé par mille autres succès.
Il serait donc logique que les grands groupes poursuivant des ambitions d'innovation adoptent les meilleures pratiques des acteurs les plus engagés. Parmi celles-ci, l'acceptation des échecs est primordiale. Elle peut évidemment être accompagnée de mesures destinées à lever les craintes (légitimes) de visibilité, mais elle doit être insinuée dans tous les rouages de l'entreprise, en partant du plus haut (alors que les discours de C. Bessant sont voués à provoquer l'effet inverse chez Bank of America).
Au fond, est-il si difficile d'admettre que tout ne peut réussir ? Qu'on le veuille ou non, les incidents plus ou moins graves (vols de données, inaccessibilité des services, erreurs de traitements d'opérations…) émaillent déjà largement la vie des banques, qui parviennent à les surmonter. Objectivement, vaut-il mieux, vis-à-vis des clients, voir une innovation tomber à plat ou subir des critiques de plus en plus précises sur l'incapacité à répondre à des exigences considérées comme naturelles à notre époque ?