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Né le 24 janvier 1956 à Taourirt Moussa en haute Kabylie à une vingtaine de kilomètre de la ville de Tizi Ouzou. Son père travailleur émigré en France pour subvenir aux besoins de la famille, le petit Lounès est élevé par sa mère, Aldjia cantatrice connu au village. Elle lui a appris la magie de la poésie d’expression berbère.
Matoub est renvoyé de l’école pour absence répétées et injustifiées, n’ayant pas fait d’études de musique, il s’est beaucoup intéressé aux chanteurs populaires "chaabi" d’expression kabyle ou arabe tels que les grands maitres notamment: Hadj El Anka, El Hasnaoui, Sliman Azem, Dahmane El harrachi; il s’est imprégné de leur style et instruments musicaux avec la fameuse guitare "mandole".
Ses débuts en tant que chanteur amateur l’ont conduit à l’époque à sillonner les villages de la Kabylie entière pour animer des fêtes. Arrivé en France en 1978, il s’est produit dans les bars, les cafés et les restaurants fréquentés par la communauté kabyle émigrée, et c’est à cette occasion qu’il a rencontré Idir, virtuose de la chanson berbère traditionnelle modernisée.
Idir l’a aidé à enregistrer son premier album "Ay Izem, anda tellid? (Ô lion, où es-tu?)" et au bout un succès populaire inattendu. Par la suite, les enregistrements se sont enchainés et Lounès a acquit une notoriété méritée.
L’arrestation en 1965 en Kabylie, du militant Hocine Ait Ahmed, leader du Front des forces socialistes et opposant au régime autoritaire de l’époque, l’interdiction de la langue berbère et la stigmatisation des kabyles ont provoqué chez Lounès Matoub le rejet de la langue arabe.
S’il n’a pas participé aux événements du printemps berbère en 1980 alors qu’il se trouvait à Paris, Matoub a fini par rejoindre le mouvement culturel berbère (MCB), apportant son soutien sous toutes ses formes, aidant les militants de la cause berbère, prenant part aux manifestations des étudiants. "Lorsque je suis entré sur la scène de l'Olympia, la guitare à la main, je portais un treillis militaire, une tenue de combat. Geste de solidarité envers la Kabylie, que j'estimais en guerre", a-t-il dit dans son livre.
Après les événements du 5 octobre 1988 à Alger qui ont ébranlé le pouvoir politique, la répression féroce des manifestants, l’intervention de l’armée, Matoub s’est rendu en compagnie de deux étudiants à Ain El Hammam (ex Michelet) pour distribuer un tract appelant la population à une grève générale de deux jours suite au soulèvement populaire d’Alger. Blessé de plusieurs balles par des gendarmes au cours de son déplacement, il a échappé miraculeusement à la mort après avoir subit quatorze opérations chirurgicales en dix huit mois.
En juin 1994, le président Boudiaf est assassiné devant les caméras de la télévision nationale sous le regard médusé du monde entier, une occasion pour Matoub d’investir encore une fois la rue pour réclamer la vérité sur ce lâche assassinat.
Le 25 septembre de la même année, Lounès est kidnappé par un groupe islamiste armé (GIA) à Tizi Ouzou. Durant sa séquestration, il est condamné à mort par un tribunal islamique, lui reprochant le méprit de l’islam et du coran. Après 16 jours de détention, Lounès a retrouvé les siens grâce à la mobilisation générale de la population kabyle.
"Moi j'ai fait un choix, Tahar Djaout avait dit: "il y a la famille qui avance et la famille qui recule". J'ai investi mon combat aux côtés de celle qui avance. Je sais que je vais mourir. Dans un, deux mois, je ne sais pas. Si on m'assassine, qu'on me couvre du drapeau national et que les démocrates m'enterrent dans mon village natal Taourirt Moussa. Ce jour-là, j'entrerai définitivement dans l'éternité", a-il dit plus tard après sa libération.
Matoub Lounès a utilisé la chanson comme arme pour ses revendications identitaires, les remises en causes de la démocratie, à la liberté d’expression et aux droits de l’homme.
Plusieurs chaines de télévisons étrangères l’ont reçu sur leurs plateaux pour parler de son combat contre le pouvoir autoritaire en Algérie, l’intégrisme radical et sur sa séquestration dans les maquis terroristes.
Au mois de janvier 1995, il a publié "Rebelle", un livre qui relate son parcours de militant. "Cet ouvrage est la somme de toutes les souffrances passées. Mon rapt, puis ma libération grâce à la mobilisation de la population a été le déclic qui a déclenché le besoin d'écrire. C'était un moment important dans ma vie. Quand j'ai été blessé, la population a été pour moi d'un grand réconfort psychologique. Par contre le dernier épisode a été très fort, très douloureux. Quinze nuits de séquestration, c'est quinze morts consécutives. J'en garde encore des séquelles. C'est ce qui m'a motivé pour écrire ce livre. L'écrit reste comme un témoignage impérissable du péril islamiste auquel certains osent trouver des circonstances atténuantes et vont même jusqu'à le soutenir".
Comme reconnaissance pour son combat, il a reçu plusieurs récompenses de renommée internationales, notamment le prix de la mémoire, le 6 décembre 1994, par Danielle Mitterrand, Le Prix de la Liberté d'Expression par l’organisation des journalistes canadiens (SCIJ) le 22 mars 1995.
Le jour fatidique du 25 juin 1998, le rebelle a déjeuné pour la dernière fois en compagnie de sa femme Nadia et de ses deux belles sœurs dans un restaurant à Tizi Ouzou.
Après le repas, la famille était sur le chemin du retour au domicile à Taourirt Moussa dans la circonscription de Beni Douala. Quelques minutes de route à peine, la voiture de Matoub est accueillie dans un virage redoutable à Tala Bounane par un groupe d’assassins lourdement armés criblant de plusieurs balles le véhicule. Son épouse et ses belles sœurs sont grièvement blessées tandis que Matoub meurt sur le coup, touché par sept balles dont une à la tête et une en plein cœur.
Tout le monde a dit qu’il s’agissait là d’une œuvre de professionnels, minutieusement préparée et planifiée, à ce jour aucun d’eux n’a été identifié ni arrêté.
Sitôt connue la mauvaise nouvelle, c’est toute la Kabylie qui s’est embrasée pour manifester sa douleur et crier sa colère contre le pouvoir qualifié d’assassin.
Pour rendre hommage au chantre de la chanson Kabyle, plusieurs communes en France ont inauguré une rue au nom de Lounès Matoub.
Aujourd’hui, le lieu de son meurtre à Tala Bounane et sa tombe à coté de sa maison à Taourirt Moussa font l’objet de visites et de recueillements réguliers par les citoyens pour montrer que le rebelle est toujours vivant.