Recapitalisé, Latécoère veut transformer son plan de vol
Latécoère se donne quatre ans pour consolider le redressement du groupe fortement impacté par les retards de l'A380 et les soucis relatifs aux câblages notamment, les difficultés rencontrées également par le Boeing 787 pour lequel Latécoère produit les portes passagers en composite à fibres de carbone, les conséquences du Printemps arabe en Tunisie qui a mis à mal les activités câblages.
Des programmes qui avaient demandé des investissements très élevés qui n'ont pu être amortis en temps voulu et qui ont conduit l'entreprise dans une situation financière difficilement tenable, ce qui vaut d'ailleurs à sont directeur général d'affirmer "il y a un an on est passé très près du précipice ".
C'est une véritable crise de croissance qu'a connu Latécoère qui lui a d'ailleurs fait rater le train de l'A350 par manque de moyen d'investir. Il lui fallait d'abord retrouver une situation financière saine afin d'aller de l'avant et pouvoir se repositionner sur le marché.
Financièrement, il y a tout juste un an, Latécoère avait trouvé une planche de salut en faisant racheter sa dette par les fonds d'investissement Apollo et Monarch qui lui ont apporté 280 millions d'euros faisant passer sa dette de 310,2 M€ en 2014 à seulement 64 M€ à fin 2015. Mais cela ne suffit pas pour asseoir le développement futur d'une entreprise. Il faut lui donner les moyens de ses ambitions. C'est pourquoi cette semaine, Frédéric Michelland qui a pris les rênes du groupe en 2013 a présenté aux partenaires sociaux du groupe et de ses filiales le projet Transformation 2020 qui prend le relais du programme Boost lancé il y a deux ans qui lui a permis de redresser sa performance opérationnelle et renforcer ses équilibres financiers.
Mais avec Transformation 2020, le groupe veut faire une propre révolution industrielle afin d'être en mesure de capter de nouveaux marchés dans la perspective des futurs avions qui devraient être lancés dans les années 2020-2025, c'est à dire dans quatre ans.
C'est dans ce contexte que Frédéric Michelland et ses équipes ont analysé les atouts que possède le groupe et qu'ils envisagent de céder Latécoère Services spécialisée dans les bâtis d'assemblage et les outillages (les " Tools and Jigs") car au vu des évolutions des processus que souhaitent mettre en place les avionneurs, à savoir la forte automatisation des tâches, Latécoère constate que des compétences en robotique font défaut à Latécoère Services dont le chiffre d'affaires plafonne au niveau des 100 M€. " Nous avons mené une réflexion, et nous pouvons faire un parallèle avec ce qui se passe actuellement chez le constructeur de robot allemand Kuka (qui pourrait être cédé au chinois Midea, NdlR), et nous en avons conclu que Latécoère Services n'est pas notre cœur de métier ", estime Frédéric Michelland qui affirme que cette réflexion n'est pas tant liée à sa rentabilité que de lui trouver un meilleur terrain pour se développer. Les activités de services aux aérostructures représentent 14 % du chiffre d'affaires du groupe qui s'est établi à 712,4 M€ à fin 2015. Pour l'heure, aucun nom de repreneur potentiel n'a été avancé pour cette cession de Latécoère Services.
Ce que recherche Latécoère est d'optimiser ses productions, ce qui passe par une réorganisation des unités. Ainsi, l'usine de Tarbes-Louey qui a vu ses activités se réduire après la perte d'un contrat avec Safran Helicopters Engine (Turbomeca) n'emploie plus que 34 personnes en CDD, le reste de l'effectif est constitué d'emplois en CDI qui viennent à terme. Elle sera donc fermée et des offres de reclassement interne et externe seront proposées, explique le patron du groupe. L'usine de Liposthey (ex. Société landaise d'Electronique) acquise à 100 % par Latécoère en 2006 devrait bénéficier du transfert d'activité de Louey tandis que l'unité que possède Latécoère au Cress près de Montpellier qui se consacre au câblage spatial ne sera pas affectée par cette réorganisation.
Concernant la fabrication mécanique et ce qui tourne autour des aérostructures, l'usine de la rue de Périole où Latécoère possède son siège social historique devrait se délester de ses activités de petit usinage au profit d'une nouvelle unité qui sera construite dans une zone toulousaine mieux adaptée qu'en centre urbain comme maintenant, ce qui l'empêche d'étendre ces activités d'usinage pour des raisons environnementales. Cette nouvelle unité d'usinage devrait employer une centaine de personnes et demander un investissement de 20 M€. Le site actuel de Gimont (assemblage d'aérostructures) dans le Gers bénéficiera aussi de cette réorganisation industrielle. Ce qui vaut d'ailleurs à Frédéric Michelland de parler de suppression de postes et non pas de suppression d'emplois, car il va être question de réaffectation d'effectifs, certaines structures en perdant, d'autres en gagnant. Au total Latécoère a évalué à 236 postes le nombre de suppressions nettes dont 232 dans la branche Aérostructures.
En terme d'optimisation de sa production, le groupe va créer une filiale en Bulgarie qui aura pour objectif d'assembler de petits sous-ensembles soit pour les portes soit pour les meubles avioniques. Elle servira les besoins de toutes les unités du groupe qu'elles soient situées en France, en République tchèque, au Mexique, en Tunisie et au Maroc. Une telle production en pays low-cost permettra non seulement d'abaisser les coûts mais aussi la logistique.
Et toujours en terme de réorganisation de la production, il s'agira de continuer l'internationalisation avec pour volonté de se rapprocher du client final et de réduire les coûts logistiques en diminuant les flux entre sites de production. Ce projet de réorganisation s'accompagnera d'un plan d'investissement sur la période 2017-2021 d'une centaine de millions d'euros non seulement dans les investissements industriels, mais aussi pour fortement augmenter ses ressources en recherche et technologie ce qui lui permettra de postuler pour les futurs programmes aéronautiques qui se profilent.
Nicole Beauclair pour AeroMorning