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Bienvenue au paradis!, de Marie Maurisse

Publié le 09 juin 2016 par Francisrichard @francisrichard
Bienvenue au paradis!, de Marie Maurisse

Qui a jamais dit que la Suisse était un paradis, un eldorado? Personne. Ou peut-être d'aucuns qui, vivant un enfer dans leur pays, votant avec leurs pieds et cherchant des cieux plus cléments, les ont trouvés dans ce pays voisin du leur.

La Suisse n'est pas un paradis, ni fiscal, ni terrestre. Ce n'est pas un pays parfait, mais, en comparaison de bien d'autres, c'est un pays relativement libre, où le bon sens règne et où l'on se refuse aux solutions extrêmes.

Marie Maurisse, qui est française, qui est correspondante du Monde en Suisse, a mené l'enquête sur la vie des Français en Suisse. Le résultat est un petit livre à croix blanche, figurée par deux bandes d'adhésif qui pourrait être médical.

A cette enquête l'auteur a donné pour titre Bienvenue au paradis!. Vu le contenu, ce titre est ironique. Dans ce livre l'auteur souligne en effet surtout les mauvais côtés de la Suisse et, à partir de là, généralise, ce qui est un travers bien journalistique et bien français...

Marie Maurisse fait toutefois comme fait son employeur, Le Monde, le soi-disant journal de référence de la France. Dans ce livre, pour ne pas prêter le flanc à la critique, elle dit tout et son contraire, ce qui peut la faire passer pour nuancée.

Exemples:

- la Suisse est un pays de plein emploi, un pays prospère, un pays dynamique, mais il l'est devenu grâce à l'afflux de capitaux (dû à la discrétion de ses banquiers) et à son attractivité fiscale (due à son absence de participation depuis longtemps à des conflits armés);

- la Suisse a su développer son système éducatif: au contraire de la France où le diplôme d'une grande école est une preuve de compétence, en Suisse on n'aime pas les étiquettes et l'objectif national n'est pas l'acquisition d'une culture générale, c'est l'accès au travail.

Et il est vrai qu'en Suisse on travaille et que le secret de la réussite du pays vient de là, même si elle se refuse à le comprendre: pour être riche, il faut créer des richesses et, pour créer des richesses, il faut travailler, être libre de travailler et être incité à le faire par la possibilité d'en recueillir le plus de fruits.

Marie Maurisse ne dit pas un mot des raisons pour lesquelles la France va mal. Elle se contente de dire qu'en Suisse le French bashing, c'est-à-dire dénigrer la France, est devenu un sport national auquel les Français expatriés ne sont pas les derniers à se livrer.

Question de dénigrer, elle n'est pas la dernière. Et ses cibles sont des Français: François Garçon ou Pierre Chappaz, qui ont le grand tort de dire que la France ferait bien de s'inspirer d'un modèle qui a fait ses preuves, ou encore Xavier Quemlin qui, riche héritier, s'est réfugié en Suisse.

Comme beaucoup de Français, Marie Maurisse a une culture économique des plus réduite. Elle se gausse - Elémentaire, non? - de ceux qui disent: Libéraliser le marché de l'emploi, baisser les impôts, développer l'apprentissage, comme en Suisse, voilà ce qu'il faut faire. Elle, elle ne propose rien...

Il n'est donc pas étonnant que Marie Maurisse dénigre aussi les exilés fiscaux, et, plus particulièrement, les bénéficiaires d'un forfait fiscal, c'est-à-dire ceux qui sont imposés sur les dépenses, au lieu de l'être sur les revenus et fortune, avec pour contreparties de ne pas avoir d'activité lucrative en Suisse et d'y séjourner six mois par an.

Elle affirme ainsi avec mauvaise foi que si la Suisse aime les riches, les Suisses, eux, ont une dent contre les forfaitaires, qui paient bien moins d'impôts qu'eux, au seul motif qu'ils sont étrangers et déplore pourtant, un peu plus loin, que 54% d'entre eux aient voté non à l'abolition du forfait fiscal lors d'une récente votation...

Il y a une part de vrai toutefois dans son explication du fossé qui existe entre les mentalités suisse et française:

D'une part, il y a la Confédération helvétique, un pays plurilingue, décentralisé, individualiste et neutre, qui met en avant sa culture du compromis. De l'autre, un pays unilingue, centralisé, au passé syndicaliste, qui vante ses batailles historiques.

Mais elle n'en tire pas les conclusions qui s'imposent sur l'essor de l'un et le déclin de l'autre...

Se basant sur l'étude UBS Prix et Salaires 2012, pour montrer qu'il n'y a pas tant de différence que ça entre les prélèvements en Suisse et en France, elle écrit: en ajoutant les cotisations sociales, le  taux de prélèvements [sur le salaire brut, pour les employés, impôts compris] atteint les 21% à Zürich contre 26% à Paris. Or dans l'étude 2015, on trouve les chiffres respectifs de 14,1% et 29,4%...

En Suisse, les Français seraient victimes de discrimination à l'embauche et, parmi les frontaliers, ils seraient considérés comme des envahisseurs indésirables. Ce que Marie Maurisse résume en disant: le paradoxe de la Suisse, en définitive, c'est qu'elle a besoin des Français tout en ne pouvant plus les sentir...

Dans sa conclusion, elle dit: Je ne suis pas en Suisse depuis assez longtemps pour pouvoir en demander la nationalité. Je le ferai un jour, peut-être. Afin d'avoir le droit de voter, au lieu de commenter les élections sans y participer.

Ce peut-être veut bien dire qu'elle ne déteste pas tant que ça cette Suisse qu'elle décrie volontiers, mais où elle compte bien rester, semble-t-il. A moins qu'elle ne soit maso... Mais demander la nationalité pour y voter, n'est-ce pas un peu court et cette attitude bien française ne peut-elle pas justifier les reproches que certains Suisses adressent à certains Français?

Francis Richard

Bienvenue au paradis!, Marie Maurisse, 206 pages Stock


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