Ainsi, l'annonce de la future néo-banque « Nestor » constitue peut-être le pari le plus audacieux et le plus disruptif de la compagnie. En effet, il n'est pas question ici d'adopter le modèle classique des startups s'appuyant sur les services d'une institution traditionnelle, ni de répliquer l'approche de Morning (ex-Payname, dans laquelle la MAIF a récemment investi) consistant à créer une offre de toutes pièces en commençant par des services financiers de base (en l'occurrence les moyens de paiement).
Au premier abord, lors de son lancement (prévu en novembre auprès du grand public), Nestor ne sera réellement qu'un agrégateur de comptes permettant au consommateur de piloter l'ensemble de son patrimoine – comptes courants et d'épargne, porte-monnaie virtuels tels que PayPal, crédits, épargne salariale, produits d'investissement… – au sein d'une interface unique, web ou mobile. Pour le bâtir, la MAIF s'appuie sur l'expertise de Linxo, le spécialiste français du PFM (« gestion de finances personnelles »).
Cependant, dans le sillage de la prochaine entrée en vigueur de la directive européenne PSD2 (qui crée l'obligation pour les établissements gérant les comptes de partager les données de leurs clients), la perspective qu'ouvre l'assureur débouche sur une vision beaucoup plus ambitieuse. Nestor pourrait ainsi devenir pionnière du concept de « banque plate-forme », capable de fédérer un multitude d'offres (traditionnelles ou issues de la FinTech) et de constituer de la sorte une banque à la demande, que chacun peut composer en fonction de ses besoins et de ses préférences.
En comparaison de Nestor, le partenariat (assorti d'un investissement) avec la jeune pousse Cozy Cloud peut sembler anodin. Il est pourtant notable par le message qu'il porte : la MAIF (comme quelques-uns de ces concurrents, il est vrai) s'affirme comme le protecteur des données personnelles des consommateurs. Sous l'étendard « Self Data », le premier pas dans cette direction – là aussi sous-tendu par une réglementation à venir – consistera à redonner le pouvoir aux clients sur les données que la compagnie détient sur eux, via un ensemble de services accessibles dans un « cloud personnel ».
Enfin et, à ma connaissance, il s'agit d'une première dans le secteur de l'assurance de biens, la MAIF évoque le déploiement en cours d'une plate-forme d'API (« interface de programmation applicative ») qui, selon ses termes, a vocation à faciliter la mise à disposition de ses produits et services sur de nouvelles interfaces (nouveaux appareils ?) ainsi qu'une meilleure intégration dans les parcours client de ses partenaires. Outre les bénéfices potentiels en interne, une telle démarche pourrait également offrir des opportunités incomparables aux entrepreneurs de l'InsurTech…
Tout cela n'existe pour l'instant que sous la forme de promesses (ou même, dans le cas de Nestor, de quelques extrapolations de ma part), qu'il reste à préciser et concrétiser. Espérons qu'il ne faudra pas attendre 2018 pour en voir les premiers résultats. Quoi qu'il en soit, la stratégie de la MAIF dénote une prise de conscience salutaire des enjeux de l'ère « digitale » (par exemple en matière de relation client), tout en esquissant une cohérence possible avec ses initiatives des derniers mois, dont, en particulier, ses investissements dans un certain nombre d'acteurs de l'économie collaborative.