Dans la série des posts auxquels on a échappé, celui qui suit prétendait faire le malin. En fin de compte, ça s'est résumé à un exercice — bien raté — de politique-fiction.
Contexte : Nous sommes à deux jours du Noël passé. En conseil des ministres, contre bien des pronostics et des grincements de dents, y compris de ministres haut de gamme — n'est-ce pas, Madame Taubira ? —, le président a maintenu son projet de déchéance de la nationalité, sanction promise aux terroristes un mois et demi auparavant, au Congrès à Versailles.
Certains «experts» tombent des nues : comment se faisait-il qu'un type aussi savonneux soit allé s'enferrer dans une épreuve de force qui risquait de prendre une rude ampleur ? C'est là qu'une idée nous vint : et si François-le-Débonnaire était plus machiavélique, vraiment plus machiavélique, qu'il n'en avait l'air ?
D'où ce qui suit, galéjade à laquelle, avouons-le, on aurait presque aimé croire...
26 décembre 2015 : François président !
Un génie ! Ce François est un génie !
Le coup de la déchéance de la nationalité, ça c'est une trouvaille, un vrai bijou. Un bijou de manœuvre florentine – l'autre François, François de Latché, il peut se rhabiller dans sa tombe de marbre. Ce coup, c'est une pièce d'orfèvrerie, un diamant de l'art tactique.
Toute la meute des initiés, pourtant, nous la baillait belle : ce président irrésolu allait, comme à l'accoutumée, faire machine arrière sur la question, c'était plié. Jusqu'à la Taubira – garde des Sceaux mais apparemment pas gardienne des secrets présidentiels – qui a vendu la mèche sur une télé algérienne. C'est dire ! M. le Président se contenterait de phrases, comme d'habitude, l'opposition inébranlable des consciences de gauche – l'honneur du pays – aurait suffi à lui faire changer de monture... Plus encore, sans doute, la perspective d'être lâché par sa majorité à l'Assemblée nationale. Au prochain conseil des ministres, c'était assuré, François-le-Rond, François-le-Pusillanime, enterrerait tout ça officiellement, l'air de rien, et parlerait d'autre chose...
Eh bien non, chère Madame ! En cette avant-veille de Noël, voilà que M. le Président persiste et signe, malgré les réserves d'un Premier ministre pas franchement enthousiaste. Pour une fois dans sa vie, François ne rebondit pas sur un autre rail au premier gravier, il fera bien défendre son texte par le gouvernement devant l'Assemblée – avec quelques nuances recuites à point pour plus d'ambiguïté encore, mais c'est ce qu'on aime chez lui.
Les discussions ont beau risquer d'être houleuses dans les travées, voire, sa «majorité» peut bien menacer de branler au-delà du raisonnable, François-le-Très-Enhardi maintient le cap du pédalo... et la Taubira n'a qu'à manger son élastique à chignon.
«Et alors ? Du génie là-dedans ?» Mais oui pardi, dans la défaite justement ! François est peut-être têtu, mais pas l'homme d'une fermeté à ce point assumée. S'il pousse le bouchon, ce n'est pas qu'une fée l'a doté tout à coup du caractère d'un Churchill, c'est qu'il a eu l'intuition d'une finesse à jouer. Mieux encore : d'un traquenard ! Que ce malheureux Valls, pas si bon joueur d'échecs que ça, n'aura pas vu venir. Ni les godillots indisciplinés de la majorité.
Car c'est là qu'on hurle au génie. Anticipons :
Confirmant les visées secrètes de François, cette ingouvernable majorité finit d'éclater à la Chambre des députés, dans le feu de la discussion. Le prétexte tombe à point nommé : fort aise de constater qu'il n'a plus de marges de manœuvre suffisantes pour sa dernière année et demie de mandat, il dissout l'Assemblée ! Si ! Les élections législatives qui s'ensuivent, dans le climat d'impopularité et de mécontentement qui balaie le pays, donnent la majorité au conglomérat des droites. François-le-Très-Habile n'a plus qu'à s'employer, sans grande difficulté, à convaincre l'un des chefs les plus impatients de cette nouvelle majorité – prise un peu au dépourvu – de former un gouvernement. La France, qui en a vu d'autres, se retrouve pour la 4ème fois en régime de cohabitation...
Un an et quelques mois pendant lesquels le président préside, là-haut sur son nuage, mains blanches, paroles de miel, cajoleries à l'adresse de toutes les catégories «utiles» de Français ; tandis que le gouvernement gouverne, et fâche, et lasse, et échoue à demi, ou réussit à moitié, ce qui ne le rend pas plus populaire, et même exaspère... Surtout si le président aux mains cajoleuses sait fort à propos glisser quelques peaux de banane – on peut compter sur lui.
Le temps de la présidentielle est déjà là : François-le-Bienheureux n'a plus qu'à récolter le fruit de l'impopularité du camp d'en face. Ce qu'aucun des scénarios les plus optimistes ne lui aurait garanti dans l'hypothèse d'une fin de mandat avec sa poussive majorité «socialiste».
Et voilà comment d'une situation désespérée, on fait la plus improbable des victoires. Elle est pas belle la vie ?
«T'y crois quand même pas à ton scénario de science-fiction !
– Euh... disons que ça nous ferait marrer un peu...
– Marrer ? Arrête tu veux. Tu vas nous foutre la scoumoune. Tu vois pas qu'il repasse !
– Ecoute, s'il a les c... de dissoudre l'Assemblée, moi, je te jure, rien que pour ça, en 2017 je vote pour lui ! »
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