Quelques jours avant la Coupe du Monde au Brésil, en 2014, à Bruxelles a lieu un match amical, Belgique-Tunisie. Avant la mi-temps, il commence à pleuvoir. Puis, la pluie est suivie de grêlons d’une telle taille que l’arbitre doit arrêter le match le temps d’attendre la fin de l’orage et que le terrain soit nettoyé. Pour meubler l’attente, un des journalistes présents sur le terrain va interviewer différents politiciens présents dans le stade. Après avoir interrogé quelques politiciens, il s’adresse à la seule femme parmi eux. Quelques petites questions sur la Coupe du Monde et, en dernier lieu, il lui pose une question dans plus ou moins ces termes : « Bon, et vous, en tant que femme, il y aura bien un des Diables Rouges que vous trouvez plus mignon ? ». Peut-être que pour le grand public, pour le journaliste et même pour cette politicienne il s’agit d’une question anodine. Pour moi, femme et supportrice du foot depuis que je suis tout petite, c’est une question qui m’a mis en rage, spécialement le « vous, en tant que femme ». Pour quoi ? Elle renforce ce grand cliché contre lequel je dois me battre à chaque fois que je dis à quelqu’un –homme ou femme– que j’aime le foot. La grande idée préconçue comme quoi les femmes ne savons pas interpréter le foot, et que si nous nous intéressons à un match ou une équipe, c’est seulement pour « mater » des beaux hommes, sans tenir compte du reste.
Vous êtes peut-être en train de vous demander si vous ne vous êtes pas trompés de page. Un article sur le foot dans ce blog littéraire et culturel? Aymeline m’ayant invité à partager mes opinions sur le sujet (merci Aymeline!), j’ai accepté. Et je crois que l’article a toute sa place ici. Actuellement, le foot –le sport en général– fait partie de notre culture actuelle, que l’on le veuille ou pas. Et ces clichés vis-à-vis des femmes qui aiment le foot (ou d’autres sports) méritent notre réflexion, particulièrement à le veille de cette Euro 2016.
Comme j’ai dit plus haut, je suis une femme qui aime le foot. Et j’ai dû faire face à la même question que ce journaliste trouvait sans doute un peu piquante : « de toute façons, tu ne supportes une telle équipe que parce que tu trouves untel mignon, avoue. » « Tu aimes le foot parce que tu n’as que des frères » (certes, je n’ai que des frères, mais plus jeunes et l’un d’entre eux n’aime pas spécialement ce sport ; au fond, la personne la plus passionnée du foot chez moi, c’est ma mère). « En tout cas, ça fait plaisir de regarder un match avec une fille qui sait ce que c’est qu’un hors-jeu ». Ah, le hors-jeu. Le fameux hors-jeu. Le concept qui semble être l’indicateur de ton niveau de connaissances. Si tu sais ce que c’est qu’un hors-jeu, c’est bon, on t’accepte parmi nous. Sinon, dégage, tu ne t’intéresses pas vraiment au sport.Cette attitude suscite différentes questions. Premièrement : quel est le problème de vouloir regarder un match rien que pour regarder un joueur que l’on trouve attractif ou dont la performance nous fascine ? N’avez-vous jamais regardé un film rien que parce un bel acteur ou une belle actrice y jouaient ? Deuxièmement : qu’y a-t-il de mauvais à ne s’intéresser au foot que pendant les grands championnats, Coupe du Monde, Euro ou Champions League ? Outre le fait d’avoir –en théorie– un meilleur niveau que les championnats nationaux, ils ont l’avantage d’être plus courts, concentrés sur une courte période de temps et ils bénéficient aussi de plus de publicité. C’est normal qu’ils suscitent plus d’intérêt. Je connais des gens –hommes et femmes– qui correspondent à ces deux cas de figure, et je n’y vois pas le moindre problème. Je connais aussi des filles et des femmes qui ne savent pas seulement ce que c’est qu’un hors-jeu, mais aussi la différence entre un carton jaune et un carton rouge ou ce qu’est une Panenka. Qui suivent les différents championnats nationaux et qui savent rester objectives devant une victoire ou défaite, analyser un match. Mais elles doivent presque se justifier ou passer un examen digne du BAC en démontrant leurs connaissances pendant le visionnage d’un match pour être acceptés par des supporteurs hommes comme des égales… Et c’est là que je vois un problème. Certes, culturellement le foot a toujours été par le passé un domaine plus centré sur les hommes, tant dans la pratique que dans les gradins des stades (un de mes rêves est de voir une femme coach pour une équipe de premier niveau). Mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. Il suffit de jeter un coup d’œil à ces mêmes gradins pour voir que les femmes sont aussi nombreuses que les hommes. Quant à la pratique, j’ai été animatrice dans un camp avec des filles adolescentes dans lequel l’activité préférée pour meubler des temps de pause était… jouer au foot.
Avec ce texte je voulais, outre me défouler un peu, soulever une question, voire un thème à débat, qui me tient à cœur. En tant que fille, ça n’a pas toujours été facile d’avouer que le foot était –et continue d’être– une de mes passions. Depuis lors j’ai appris qu’il y a rien de mauvais à ça, et je prends ma passion comme une fierté. J’adore le foot. Pourquoi il y a-t-il tellement de gens surpris de l’apprendre, que cela vienne de moi ou d’une autre fille ? Voilà le problème de fond.
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