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Abus de constitution de partie civile:la décision de la CEDH du 2 juin 2016 concernant la France

Publié le 09 juin 2016 par Elisa Viganotti @Elisa_Viganotti
Abus de constitution de partie civile:la décision de la CEDH du 2 juin 2016 concernant la FranceCEDH, 5ème Section, Décision (Définitive)  du 2 juin 2016, Requête n° 24466/12, Aff. Sirma ORAN-MARTZ contre  France Texte invoqué : Article 10 de la Convention EDH (droit à la liberté d’expression)Madame ORAN-MARTZ avait dû retirer sa candidature d’une liste électorale PS / Les Verts en raison de la pression exercée sur elle par différentes personnes et  notamment par le maire sortant, en raison de sa position jugée ambigüe sur le génocide arménien. Elle diligente alors une procédure correctionnelle à l’encontre du maire, M. B. pour « discrimination par entrave à l’exercice normal d’une activité économique quelconque », soutenant que ce dernier était « électoralement inféodé aux extrémistes arméniens » et que les propos qu’il avait tenus « concernant la Turquie, les Turcs et les citoyens français ne pouvaient qu’inciter à la haine raciale ». Elle est déboutée et condamnée pour abus de constitution de partie civile.Devant la CEDH Madame ORAN-MARTZ se plaignait d’une violation de son droit à la liberté d’expression, protégé par l’article 10 de la Convention EDH, résultant de sa condamnation pour abus de constitution de partie civile à cause de certains paragraphes de ses conclusions déposées au tribunal correctionnel de Lyon.La CEDH relève que le juge français a d’abord constaté que l’infraction invoquée par la requérante ne pouvait pas être constituée lorsque l’activité en question était dénuée de connotation économique.  Le magistrat interne a ensuite considéré qu’il y avait de la témérité à attraire M. B., reconnu pour son engagement en faveur de la défense des droits de l’homme, devant le tribunal correctionnel sur le fondement d’un délit non constitué de discrimination et a ainsi caractérisé l’abus de constitution de partie civile. La témérité de la constitution de partie civile définit notamment l’abus, et c’est « le fait d’être attrait à tort devant une juridiction répressive » qui établit le préjudice de la personne indûment citée.Le juge a certes pris en compte les propos litigieux de Mme Oran-Martz, en retenant que la témérité de l’action de la requérante s’augmentait du grief que M. B. serait « inféodé aux extrémistes arméniens » ou que « les propos qu’il a tenus concernant la Turquie, les Turcs et les citoyens français [d’origine turque] ne pouvaient qu’inciter à la haine raciale ». Ces considérations ne sont cependant intervenues dans le raisonnement du juge qu’après qu’il eut déjà constaté le caractère téméraire de la constitution de partie civile.Dès lors, ce ne sont point les propos de la requérante (pas poursuivie pour diffamation, injure ou outrage) devant le juge interne, en tant que tels, qui ont fondé sa condamnation pour abus de constitution de partie civile. Bien au contraire !  Cette condamnation a été fondée sur le fait que Mme Oran-Martz a abusivement mis en mouvement l’action publique contre M. B. pour discrimination par entrave à l’exercice normal d’une activité économique quelconque pour des faits qui, manifestement, ne relevaient pas de cette qualification. Il ne s’agit donc pas d’une restriction ou d’une sanction constitutive d’une ingérence dans la liberté d’expression de Mme Oran-Martz.Le grief étant mal fondé et devant être rejeté, la Cour a l’unanimité déclare la requête irrecevable.
Pour en savoir plus : Décision Sirma ORAN-MARTZ c. France+Viganotti Elisa Avocat de la famille internationaleAbus de constitution de partie civile:la décision de la CEDH du 2 juin 2016 concernant la France

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