#quotadepeche
GÉRARD LE PUILL
MERCREDI, 8 JUIN, 2016
HUMANITE.FR©DREn moins de six mois, la France a consommé autant de poisson que son quota de pêche au sein de l’Union Européenne lui en attribue. Dans le monde, 90% des stocks de poissons sont surexploités ou exploités à leur maximum affirme le WWF à l’occasion de la journée mondiale des océans. Cette situation ne pourra plus durer longtemps.Ce mercredi 8 juin est la « Journée mondiale des océans ». La chaîne de télévision France O consacrera sa soirée à la mer tandis que l’association WWF prodigue ses conseils aux consommateurs. Selon WWF, 90% des stocks de poissons sont surexploités ou exploités à leur maximum dans le monde. Dans le même temps, les captures accidentelles - ces poissons que les bateaux remontent dans leurs filets sans les rechercher- représentent 40% des prises mondiales. Ils peuvent être gardés ou rejetés à la mer selon la législation en vigueur dans les zones de pêche. Mais ils sont rarement vivants quand ils sont restitués à l’océan. Par ailleurs, entre 12% et 28% des prises mondiales proviendraient de pêches illégales et cette fraude risque d’augmenter tant que le commerce du poisson obéira à la loi de l’offre et de la demande sur un marché mondialisé.
Dès lors, le plus important est-il de sensibiliser le consommateur afin qu’il mange moins de poisson et des espèces moins nobles ? Faut-il au contraire légiférer au niveau de l’ONU pour réduire la pression sur la ressource? Sans doute faudra-t-il faire les deux. Car « l’océan est une ressource renouvelable capable de répondre aux besoins de toutes les générations futures si les pressions auxquelles il est exposé sont efficacement atténuées. Les institutions, l’industrie et les consommateurs ont une grande responsabilité sur la durabilité des ressources et les conditions de vie des communautés des pays qui dépendent le plus de la pêche», déclare la navigatrice Isabelle Autissier, présidente du WWF France.
Le WWF appelle « les organisations internationales à prendre de toute urgence des décisions en faveur de la préservation des ressources ». Il demande à l’Union européenne de « renforcer la mise en œuvre de sa législation en matière de pêche illégale, non déclarée et non réglementée ». Il souhaite voir les entreprises « transformer leurs politiques d’approvisionnement en produits de la mer en respectant des chartes proscrivant tout achat provenant de la pêche illégale et en favorisant les pêches certifiées ». Même les consommateurs européens sont appelés à prendre conscience de « l’impact de leur consommation sur les pays du sud ». Mais le WWF ne donne aucune information sur la nature des accords passés entre l’Union européenne et ces pays. Or ces accords accentuent le pillage des ressources des pays du sud afin de pourvoir le marché européen depuis des décennies, au nom du libre marché piloté par la loi de l’offre et de la demande.
Nous savons que les prises autorisées pour chaque pays membre de l’Union européenne sont fixées chaque année en conseil des ministres de la pêche. On fixe un quota de prises par espèce et par pays au terme de longues négociations. Mais ce quota est loin de couvrir la consommation dans un pays comme la France. Ainsi, dès le 30 mai dernier, le WWF « annonçait qu’en moins de 6 mois la France avait déjà consommé l’équivalent de l’ensemble des ressources halieutiques qu’elle pouvait pêcher dans ses eaux nationales métropolitaines et reportait, à compter de ce jour, ses impacts sur les autres pays, notamment les plus vulnérables ».
En effet, si les prises sont limitées, la consommation ne se voit imposer aucune limite en France, ni dans les autres pays membres de l’Union européenne. Chacun de nous peut acheter et manger du poisson tous les jours. Dans de nombreux restaurants d’entreprises affichant plusieurs menus, on peut aussi manger du poisson quotidiennement.
Afin que l’offre réponde à la demande, il faut importer de plus en plus de poisson et faire de sorte que des bateaux européens aillent pêcher dans des eaux territoriales plus riches que celles de la vieille Europe. Depuis une trentaine d’années, la Commission européenne a négocié avec beaucoup de pays africains, aux eaux naguère poissonneuses, des accords qui donnaient des droits de pêche aux bateaux européens moyennant quelques subsides versées à ces pays . Qu’il s’agisse du Sénégal, de la Mauritanie, où d’autres pays africains ayant une façade maritime, une politique néocoloniale de pillage a été conduite afin que les étals européens soient bien garnis en permanence. Il en a résulté un appauvrissement de la ressource, une perte de protéines animales devenues rares et chères pour les populations de ces pays, un recul des emplois pour les pêcheurs comme pour la petite industrie de la transformation qui employait surtout des femmes dans ces pays africains.
Ce qui se passe en Europe depuis de longues années nous montre qu’une double politique de limitation des prises dans les eaux européennes et d’augmentation ou même de maintien de la consommation en recourant de plus en plus aux poissons pêchés ailleurs pour répondre à la demande du marché débouche rapidement sur une double conséquence : elle prive de poisson les populations des pays pauvres dont nous consommons les ressources ; elle favoriser la pêche illégale et toutes sortes de fraudes pour aboutir à une réduction préoccupante de la ressource au niveau planétaire.Ellel contribue aussi à augmenter le prix du poisson qui va bientôt de venir un met de riche, y compris chez nous, quand il ne l’est pas déjà pour certaines espèces.
La seconde guerre mondiale avait abouti aux tickets de rationnement en France afin de partager la nourriture disponible, à commencer par la viande. On peut se poser la question de savoir s’il ne faudra pas en arriver là pour que tout le monde puisse manger du poisson dans le monde d’ici quelques années. Mais poser ce genre de question aujourd’hui revient à briser un tabou.http://www.humanite.fr/quand-les-oceans-seront-vides-de-leurs-poissons-609124?google_editors_picks=true