Il y a des chroniques de livres plus difficiles à écrire que d'autres. Celle de Vous n'aurez pas ma haine fait partie de celles-là pour plusieurs raisons. Le livre est un récit, il aborde les attentats du 13 novembre dernier au Bataclan, il raconte la perte de l'être aimé, le fait de se retrouver seul avec son enfant... Et en plus, chaque mot de ce livre m'a transcendée, bouleversée, émue jusqu'aux larmes. Alors il me tient à cœur d'en parler de la façon la plus juste possible.
Je ne vais pas y aller par quatre chemins... Si vous ne deviez lire qu'un livre cette année, je vous supplierais d'opter pour Vous n'aurez pas ma haine d'Antoine Leiris. Ce livre est d'une profondeur et d'une intelligence absolument exceptionnelles.
Le journaliste Antoine Leiris a perdu son épouse, Hélène Muyal-Leiris, au Bataclan. Quelques jours après, il publiait une lettre sur Facebook. C'est un post sur lequel j'étais tombée à l'époque et qui m'avait (déjà) retournée. De cette lettre, il a choisi d'écrire cette partie sombre de son histoire. Le livre ne traite pas des attentats, mais raconte l'histoire d'un homme qui perd la femme de sa vie, la mère de son petit garçon de 17 mois. Rarement le deuil aura aussi bien été écrit.
" Vous n'aurez pas ma haine "Vendredi soir vous avez volé la vie d'un être d'exception, l'amour de ma vie, la mère de mon fils mais vous n'aurez pas ma haine. Je ne sais pas qui vous êtes et je ne veux pas le savoir, vous êtes des âmes mortes. Si ce Dieu pour lequel vous tuez aveuglément nous a fait à son image, chaque balle dans le corps de ma femme aura été une blessure dans son coeur.
Je l'ai vue ce matin. Enfin, après des nuits et des jours d'attente. Elle était aussi belle que lorsqu'elle est partie ce vendredi soir, aussi belle que lorsque j'en suis tombé éperdument amoureux il y a plus de 12 ans. Bien sûr je suis dévasté par le chagrin, je vous concède cette petite victoire, mais elle sera de courte durée. Je sais qu'elle nous accompagnera chaque jour et que nous nous retrouverons dans ce paradis des âmes libres auquel vous n'aurez jamais accès.
Nous sommes deux, mon fils et moi, mais nous sommes plus fort que toutes les armées du monde. Je n'ai d'ailleurs pas plus de temps à vous consacrer, je dois rejoindre Melvil qui se réveille de sa sieste. Il a 17 mois à peine, il va manger son goûter comme tous les jours, puis nous allons jouer comme tous les jours et toute sa vie ce petit garçon vous fera l'affront d'être heureux et libre. Car non, vous n'aurez pas sa haine non plus.
Sur une dizaine de jours, on suit le quotidien d'un père anéanti et de son tout petit. Ils se retrouvent sans elle, sans l'épouse, sans la mère. J'ai été complètement touchée par les mots de cet homme. Par sa force. Par son courage. Par sa dignité. Plus je tournais les pages, plus je réalisais qu'Antoine Leiris est un être d'exception, d'une intelligence rare. Vous n'aurez pas ma haine est une déclaration d'amour incomparable à sa femme, mais aussi à leur fils Melvil. Malgré ce contexte innommable, j'ai trouvé ce récit d'une beauté à couper le souffle. D'un point de vue purement littéraire, Vous n'aurez pas ma haine est d'un niveau impressionnant. Antoine Leiris, journaliste de métier, a un talent pour l'écriture indéniable. Sa plume sert des propos tellement intelligents. Il m'est arrivé de relire plusieurs fois de suite certaines phrases tant je les trouvais belles et remarquables. Effectivement, ils n'auront pas sa haine, ce livre n'est qu'amour et espoir.
Dès les premières lignes, il devient impossible d'arrêter. Le tour de force de ce livre est d'être bien plus qu'un récit. C'est une leçon de vie, de force, de courage, de respect, de sagesse. A la fin, je me suis sentie toute petite face à cet homme qu'on a juste envie de prendre dans ses bras pour lui faire un gros câlin et lui dire que ça va aller. Car même si son histoire est tragique, Antoine Leiris semble avoir tout compris à la vie. Avec son récit, en plus d'avoir pu tenter de soulager ses maux avec ses mots, il laisse un formidable cadeau à son fils. Et puis, peut-être que dans quelques années, son livre sera étudié au lycée. Ce serait une évidence.
J'espère que cette chronique n'est pas trop décousue... La chose essentielle à retenir est que tout le monde devrait lire Vous n'aurez pas ma haine d'Antoine Leiris.
Antoine Leiris a perdu sa femme, Hélène Muyal-Leiris, le 13 novembre 2015, assassinée au Bataclan. Accablé par la perte, il n'a qu'une arme : sa plume.
À l'image de la lueur d'espoir et de douceur que fut sa lettre " Vous n'aurez pas ma haine ", publiée au lendemain des attentats, il nous raconte ici comment, malgré tout, la vie doit continuer.
C'est ce quotidien, meurtri mais tendre, entre un père et son fils, qu'il nous offre. Un témoignage bouleversant.
Ancien chroniqueur culturel à France Info et France Bleu, Antoine Leiris est journaliste. Vous n'aurez pas ma haine est son premier livre.