Apprenant la mort de Mohamed Ali/Cassius Clay, Alain Lance s’est souvenu de ce poème que le poète allemand Volker Braun écrivit en 1971 après le match entre Clay et Frazier. Il l’avait traduit bien plus tard et sa traduction fut publiée dans le numéro 98 d'action poétique (automne 1984). Voici donc, avec quelques minimes corrections, cette traduction avec la version originale.
Le combat du siècle
(Reportage en quinze reprises)
1
Cassius Clay, grande gueule, bateleur du ring
Gros braillard !
Joe Frazier, cogneur permanent, vaillante machine
Chantre des taudis !
2
Tous deux négociés avec la peau et les os pour 25 millions
Comme des Mona Lisa qui gigotent
Au Madison Square Garden, le zoo de la boxe à New-York
Pour l’enfer d’un unique combat :
3
Ils cognent à un rythme inouï, accrochés l’un à l’autre
Je vais te tuer ! crie Clay
Je vais te tuer ! crie Frazier.
4
Clay, l’homme aux poings les plus rapides du monde
Tambourine le crâne de Frazier
Qui fonce à son tour comme une loco
Et assène un grand coup de son brogne
Dans le poumon de Clay.
5
Clay pendouille dans les cordes, ses longs bras
Fragadinguent dans le corps à corps
Trois ans exclu du ring pas les juges de Disneyland
Du plomb dans les jambes comme barreaux de prison.
6
Clay grabache du poing, gratouille Joe, le décape
Jusqu’à ce qu’un crochet du gauche le punisse
Et le prolo des abattoirs de Philadelphie
Défloque en ses muscles comme les chutes du Niagara.
7
Deux bêtes noires en rotation
Rondonnent dans les téléviseurs :
Frazier rabote les côtes de Clay pour en chasser l’air
Clay mis trois ans au ban du ring
Pour refus d’assassinat au Vietnam
Ali ! Ali!
8
Lui que le Pentagone n’a pas envoyé au tapis
Lui qui grapigne après son titre volé, Clay-Ali
Décoche ses blagues à l’oncle Tom Joe
De guerre lasse
Bouh !
9
Frazier, the great white hope
Coince Clay dans les cordes, le trépagne à mort
Clay décoche trois crochets du droit dans le diable maigre. Ali !
10
Frazier, ingrabugé, brutal comme action en bourse
Se bréchaque par un tir de barrage dans les chiquettes de l’autre
Artisan sans cervelle
Clay le dessaque d’un gauche, l’empoque du droit.
11
À la onzième reprise, Clay pique du nez
Se reverticale, hourle, broucane : c’est moi, le champion !
Et Frazier lui rataplombe dessus, un ouragan
Clay titube !
12
Frazier veut en finir avec l’idole
Frazier trébouche en avant-garde basse
Frazier le baptiste calé dans la Bible
Frazier mène nettement aux points.
13
Frazier encaisse tout sans problème
Sa trogne s’enflouille en un gloume grimaçant
Il kalpanthère Clay avant l’assaut de cette forteresse
Ce dieu des nègres
Stoppe Ali dans sa marche sur la Capitole
Scalpe la gloriole des Black Panthers.
14
Clay donne tout ce qu’il a encore dans le ventre : ce que peut
Cassius Marcellus Clay, qui a pris le nom de Mohammed Ali.
15
Clay roule à terre, son menton se décerise
Clay sait qu’il est battu
Clay est presque sans défense, outragé, embroché
Il succombe aux points face au meilleur, Joe l’aveugle fonceur
Clay-Ali, inscrit parmi les vainqueurs dans le combat
Du siècle.
(Traduit de l’allemand par Alain Lance)
Der Fight des Jahrhunderts
(Report in 15 Runden)
1
Cassius Clay, das Großmaul, der Gaukler im Ring
Der fette Schreihals!
Joe Frazier, der Dauerschläger, die tapfre Maschine
Der Sänger aus den Slums!
2
Verhandelt beide mit Haut und Kochen für 25 Millionen
Als strampelnde Mona Lisa
Im Madison Square Garden, dem Box-Zoo New Yorks
Für die Hölle von einem Kampf :
3
Sie schlagen in unerhörtem Tempo, ineinander verhakt
Ich werde dich töten! schreit Clay
Ich werde dich töten! Schreit Frazier.
4
Clay, der Mann mit den schnellsten Fäusten der Welt
Trommelt auf Fraziers Schädel
Der aber porscht vorwärts, eine Lokomotive
Und bohrt mit geballter Kraft seinen Stump
In Clays Lunge.
5
Clay hängelt im Seil, seine langen Arme
Rabaumeln im Infight
Drei Jahr aus dem Ring gesperrt von den Richtern in Disneyland
In den Beinen wächst Blei wie Gitterstäbe.
6
Clay strappt seine Faust vor, krault Joe, beizt ihn
Bis ihn ein linker Haken bestraft
Und der Schlachthofprolet aus Philadelphia
Flubbt auf seine Muskeln los wie Niagara Falls.
7
Zwei schwarze rotierende Tiere
Kreistern in die Televisoren :
Frazier kartäscht Clay die Luft aus den Rippen
Aus dem Ring gemanagt Clay drei Jahre
Wegen verweigerten Mords in Vietnam.
Ali! Ali!
8
Der nicht zuboden ging vor dem Pentagon
Der nach seinem gestohlenen Titel grapscht, Clay-Ali
Triebt seine Späßchen mit Onkel Tom Joe
Aus Müdigkeit.
Buh!
9
Frazier, the great white hope
Klebt Clay in die Ecke, krawalkt ihn durch
Clay klistert drei Rechte auf den mageren Teufel. Ali!
10
Frazier, unzermanscht, brutal wie eine Aktie
Schtalpt sich durchs Sperrfeuer in die Kaldaunen
Ein hirnloser Handwerker
Clay flackt ihn links ab, schlenkt mi/t der Rechten nach.
11
In der elften Runde stippt Clay in den Staub
Steilt auf, brullt, randault Ich bin der Champ!
Und Frazier radastert über ihn, ein Orkan
Clay wackelt!
12
Frazier will Schluß machen mit dem Idol
Frazier stülpert fast deckungslos nach vorn
Frazier, der bibelfeste Baptist
Frazier führt klar nach Punkten.
13
Frazier steckt alles ein wie nichts
Sein Brägen schwilludelt zu einem grinsenden Klump
Er kalpantert Clay sturmreif, die feste Burg
Den Gott der Nigger
Stoppt Alis Marsch aufs Capitol
Skalpiert die Gloriole der Black Panthers.
14
Clay bringt was er noch drinhat : was einer kann
Cassius Marcellus Clay, der sich Muhammed Ali nennt.
15
Clay haut zuboden, sein Kinn zerknirscht
Clay weiß, daß er geschlagen ist
Clay steht fast wehrlos, geschmäht, gespießt
Unterlegen nach Punkten dem Beßren, dem Blindgänger Joe
Clay-Ali, verzeichnet unter den Siegern im Kampf
Des Jahrhunderts.
Volker Braun