J'avais visité Lyon il y a 35 ans, car des amis y habitaient alors. De ce week-end lyonnais, il me reste un vague souvenir - Fourvière, Musée Guimet, théâtre antique - mais il y avait un sérieux besoin de rafraîchir cela, d'autant que la ville a dû pas mal bouger entre temps. J'avais proposé à des amis/connaissances de me rejoindre pour le repas de midi. Pas de bol : j'avais choisi le jour de la Fête des Mères. Personne n'ayant eu la témérité d'affronter un drame familial, j'ai mangé tout seul. Je ne regrette rien, car j'ai passé un très bon moment à ce Burgundy Lounge dont j'avais lu du bien ICI.
Comme son nom l'indique, ce restaurant ne sert que des vins de Bourgogne. Pour les menus, il a repris le principe de Il Vino d'Enrico Bernardo : le client choisit d'abord le vin. Le chef prépare alors des mets qui sont adaptés à celui-ci. C'est en partie pour cela que je l'avais choisi, car c'est proche de ma vision de la cuisine. La carte des vins en bouteille est assez imposante, allant de vins (relativement) modestes jusqu'au sommet de la Bourgogne. Etant seul j'ai préféré me rabattre sur les vins en verre. Il en est proposé une dizaine, blancs comme rouges. J'ai choisi une formule "5 mets" à 35 €. Après discussion avec le (sympathique) sommelier, nous sommes partis sur trois mets avec un verre de vin blanc, deux avec un rouge - tous salés. Si on veut un dessert, c'est en plus.
Avant de démarrer le repas proprement dit, il m'est servi trois mises en bouches : un sorbet au piquillos - à la texture superbe et au goût intense - de la truite marinée à la japonaise avec wakame et groseille de mer - avec de belles textures et contrastes - et une guimauve aux petits pois et wasabi - je suis preneur de la recette car c'était extra, ce mélange de douceur et de "piquant".
Le vin blanc m'est servi - un Saint-Aubin 1er Cru Les Frionnes 2012 de Bachelet - et peu de temps après, le premier plat. Une huître en gelée de cresson. J'aurai le lendemain un plat à l'intitulé relativement similaire chez Troisgros, si ce n'est qu'ici, le goût est le plus subtil. Pour faire sa gelée, le chef s'est contenté de faire infuser les feuilles sans les mixer avec. Je pense qu'il a mis aussi l'eau des huîtres qui apporte des notes iodées. Quant à l'huître elle-même, elle a dû être à peine pochée. Elle est ferme, mais a encore un goût "cru". Le vin, qui était tout en finesse et en élégance lorqu'il était bu seul, gagne en densité et en minéralité avec le fruit de mer (plus "Chablis" ).
Le repas continue avec un foie gras au fruit de la passion et la vanille, joliment présenté. Mais plus encore, c'est à tomber par terre. Le fruit de la passion est parfaitement dosé, ce qu'il fait qu'il apporte juste ce qu'il faut d'acidité pour équilibrer le foie gras, mais n'emporte pas tout sur son passage. Le foie gras est onctueux, au goût délicat. Et les éléments croustillants ("tuile", tranches radis rose) contrastent agréablement. Le pain, servi encore tiède, était très bon. Le Saint-Aubin, quant à lui, gagne en ampleur et en longueur, devenant plus rond/gourmand.
Le troisième plat est un oeuf cuit à 63°C, chapelure de bresaola, cocos de Paimpol (entiers et en purée) et écume à l'ail des ours. Je chipote un peu, mais je ne pense pas que le blanc ait été cuit à 63 °C. A cette température, il est plus translucide et liquide (et beaucoup moins appétissant). Je subodore que le chef redonne un petit coup de chauffe en fin de cuisson pour le solidifier un peu. Mais c'est tant mieux. L'écume à l'ail des ours est subtile, et c'est très bien ainsi. Le vin se transforme à nouveau, regagnant en finesse, et encore plus en intensité. Il devient juste superbe (alors qu'avec l'oeuf, ça ne me paraissait pas gagné). Très bel accord !
Je passe alors au vin rouge : c'est un Chambolle Musigny 2012 de Ghislaine Barthod. Le nez est de belle intensité, très fruits noirs bien mûrs, complété par du sous-bois, des épices et une pointe de fumée. La bouche est ample, élégante, avec une matière hésitant entre la soie - pour le toucher - et le velours - pour la densité. La finale est mûre et épicée, sans dureté.
Le plat suivant est une côte d'agneau, aubergine farcie aux légumes du soleil, jus aux douze épices. La viande est à se damner, avec un gras fondant absolument irrésistible. Les légumes sont goûteux même si on est limite hors-saison. Quant au jus, quintessence de l'agneau relévée de moultes épices, j'en ai profité jusqu'à la dernière goutte (on m'en avait laissé tout un mini-carafon...). C'est peut-être là que l'on voit l'intérêt des accords mets-vins : alors que je commençais à trouver que le vin se réchauffait un peu trop dans le verre, les épices chaudes l'ont totalement rafraîchi, lui apportant une tension et une profondeur qu'il n'avait pas auparavant. Superbe !
Pour terminer, du boeuf maturé, anguille fumée et oignons des Cévennes. Le plat peut-être le plus improbable, et pourtant le plus exaltant. Le fumé de l'anguillé se marie parfaitement avec le goût typé de la viande, tendrissime. Le tout donne une puissance et une énergie incroyables au Chambolle qui devient absolument magnifique. Un grand moment de gastronomie !
N'étant pas "bouche à sucre", ce fut mon dernier plat. Je suis passé directement au café. Coût total : 70 € tout rond. On ne peut certes pas se l'offrir tous les jours, mais vu le niveau général de la cuisine (pour moi, ça vaut 1* Michelin) ça me paraît très correct. Et lorsque je vois ce que j'ai mangé le lendemain chez Troisgros pour le double du prix, le comparatif est cruel pour le 3 *...
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Burgundy Lounge, 24 quai Saint-Antoine 69002 LYON
Tél : 04 72 04 04 51 Mail : [email protected]
Ouvert 7 jours sur 7, midi et soir