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Selon Matthieu Yalire chercheur à l’Observatoire volcanologique de Goma, ville limitrophe avec le Rwanda, "le gaz méthane de ce lac peut servir de détonateur à une éruption limnique, une remontée des eaux profondes chargées en gaz mortel qui se répandrait alors dans l’atmosphère".
Le lac Kivu est l’un des trois lacs au monde renfermant de très fortes concentrations de gaz. Sur ses 2.370 km2, il contient selon les estimations, quelque 60 km3 de méthane dissous et environ 300 km3 de dioxyde de carbone (CO2). Le pompage du méthane réduira le niveau du gaz, et ce produit, qui au départ est une bombe pour le pays, sera transformé en énergie électrique pour les douze millions d'habitants. Mais, la production sera-t-elle suffisante aujourd’hui?
Le gouvernement rwandais avait tablé sur 563MW d’une valeur de 2.7milliards d’ici 2019-2020. De très bonnes ambitions, mais avec quelles stratégies et capacités financières? Le pays prévoit d’importer 30MW du Kenya (sachant que la distance est de 1350 kms) et 400MW de l’Éthiopie (à 2700kms du Rwanda). C’est un projet coûteux et difficile à réaliser en 3 ans.
En 2012, le ministre de l’époque, ayant en charge des infrastructures, avait même promis la production de 1000MW pour 2017 ! Selon geopolitique-electricite.fr, "700 000 Rwandais avaient accès à l’électricité en 2008, et presque un million en plus début 2013. La proportion est passée de 6 à 17% de la population de 2008 en 2014". Un pas a été franchi, cependant, beaucoup reste à faire. En 2016, on n’a même pas atteint le ¼ de la population ayant accès à l’électricité.
Au regard de la situation, on est encore trop loin du compte. Les attentes restent trop élevées, et deux questions pertinentes se posent. Pourquoi un tel retard dans un secteur aussi important? Pourquoi l’électrification n’a pas été parmi les priorités? Ces mêmes questionnements méritent également des solutions dans un autre secteur vital, très en retard, à savoir l’alimentation en eau potable et le raccordement au réseau d’eau.
Restons sur le sujet en titre. Il est vrai que 54MW acquis en une année, ne sont pas négligeables. En mars 2015, c’était la centrale hydro-électrique de Nyabarongo qui produit désormais 28MW, et le 16 mai 2016 c’était l’inauguration de la centrale au méthane sur le lac Kivu, déjà opérationnelle depuis décembre 2015 avec 26 mégawatts. Construite à l’Ouest du pays, cette centrale produit de l’énergie qui s’ajoute à la capacité de production d’environ 160MW dont disposait déjà le pays.
Selon la Banque mondiale, le programme de déploiement d’électricité au Rwanda, en anglais EARP (Electricity Access Rollout Project) est financé par un crédit de 70 millions de dollars, sans intérêts, de l’Association internationale de développement (IDA), de la Banque mondiale, en partenariat avec la Banque africaine de développement, la Banque arabe pour le développement économique en Afrique, la Belgique, l’Union européenne (UE), le Japon, les Pays-Bas, le Fonds de l’OPEP pour le développement international (OFID) et le Fonds saoudien pour le développement qui ont, au total, mobilisé 348,2 millions de dollars pour ce programme.
Il y a deux ans, une enquête menée par la Banque mondiale faisait état de 14 coupures d’électricité par mois, c’est-à-dire, une coupure tous les deux jours. Sur une dizaine de centrales inspectées, huit n’étaient pas en état d’entretien régulier, et subissaient des pannes fréquentes.
Les inspecteurs auront aussi remarqué que les transformateurs et pylônes n’étaient pas tous intacts. Par ailleurs, la centrale hydro-électrique de Nyabarongo avait été en arrêt quelques mois seulement, suite à la forte diminution du flux liée au manque de stratégies efficaces en faveur de l’écologie. D’après un responsable de la Commission Économique des Nations Unies pour l’Afrique (UNECA) basé à Kigali, l’électricité est plus chère au Rwanda que chez ses voisins. En moyenne, le prix est de 0,24 $ le kWh, comparé à 0,15 $ au Kenya, 0,17$ en Ouganda et 0,05$ en Tanzanie. Même en se basant sur une autre source qui indique 0,20$ le kWh, le prix reste plus élevé.
Les experts dans le domaine, estiment qu’il faudrait au moins 1000MW pour satisfaire les attentes des 12 millions de Rwandais, en plus des investisseurs étrangers, les ambitions d’aménagement et planification à moyen et long terme. En toute évidence, les responsables du pays ont du pain sur la planche, pour rattraper le temps perdu, et pour améliorer le système de fonctionnement. L’électricité et l’eau sont des produits de première nécessité. Certains observateurs n’hésitent pas à relever que ces deux secteurs importants n’ont pas retenu l’attention ni la priorité qu’ils méritaient, ni les efforts qu’il fallait.
Au contraire, les investissements ont été orientés vers des secteurs moins urgents, l’objectif étant la belle image du pays, réellement en "trompe l’œil". L’accent a été mis sur les "gratte-ciel" et la décoration de la capitale! La construction des "buildings" et l’embellissement d’une ville, est une bonne chose, si et seulement si, elle est précédée par le développement de ces deux secteurs vitaux, l’eau et l’électricité. Lors de la CHAN 2016, les organisateurs ont frôlé le scandale. Il suffit de lire les articles des journalistes étrangers venus couvrir l’évènement. Ils n’ont pas manqué de souligner le manque d’eau et les difficultés en électricité. Il est grand temps, de redoubler les efforts et mettre en avant les priorités.