Un peu occultée par l'exposition à venir Jacques Chirac ou le dialogue des cultures au musée du Quai Branly, l'installation Homme Blanc, Homme Noir. Les représentations de l'Occidental dans l'art africain du XXè siècle qui débutera le 16 juin prochain à l'Atelier Martine Aublet du musée, est à ne manquer sous aucun prétexte car Nicolas Menut, son commissaire, nous propose là une réflexion originale.
Ce dernier n'en est pas à son coup d'essai puisqu'il était l'un des commissaires de l'exposition éponyme de l'été 2015 à la Fondation Pierre Arnaud et bien sûr aussi, l'un des auteurs de l'ouvrage Impressions d'Afrique. Homme Blanc/Homme Noir, le catalogue de celle-ci.
"L’Europe n’a ni l’exclusivité ni le monopole du regard sur l’Autre. Cette affirmation sonne aujourd’hui comme une évidence, mais il ne faut pas oublier qu’au cours des derniers siècles, ce regard fut l’un des apanages de l’Occident et légitima une vision unilatérale du monde. Néanmoins, si l’Europe imposa sa vision de l’Autre, ses représentants et ambassadeurs furent aussi épiés et analysés avant d’être imités, admirés, critiqués ou moqués.
... Tandis que marins, soldats, missionnaires et commerçants occidentaux sillonnaient les côtes de l’Afrique de l’Ouest dès le 16e siècle, leurs hôtes, dont on aurait tort de croire qu’ils furent de passifs témoins, assimilaient également les conséquences de cette intrusion. En d’autres termes, tandis que l’Europe conquérante se familiarisait avec la figure de l’Africain, celui-ci, de son côté, commençait à intégrer cet autre au teint pâle dans son propre univers symbolique et artistique.
Des ivoires sapi à la sculpture dite « colon », nombreuses sont les déclinaisons de l’homme blanc ou de ses attributs dans l’art africain, tout comme est large le spectre des œuvres, qui tantôt participent de la reproduction la plus dépouillée, tantôt s’incarnent dans des objets aux résonances éminemment poétiques.
HOMME BLANC / HOMME NOIR s’offre comme une invitation à la découverte de l’art métissé dit « colon », trop longtemps négligé des institutions et de l’histoire de l’art africain mais qui s’avère en réalité d’une insoupçonnable richesse. Il ne s’agit pas d’un art « pour touriste » mais bien de productions artistiques qui s’inscrivent dans une histoire de l’art africain toujours en mouvement et qui ne cesse de se réinventer. HOMME BLANC / HOMME NOIR soulève alors la nécessité de se débarrasser d’une lecture primitiviste de l’art africain aujourd’hui complètement dépassée...
Les six vitrines thématiques de l'exposition présentée à Paris sont :
- La force et l’ironie : si l’Occidental est parfois représenté de manière ironique pour critiquer son impérialisme, il peut également apparaître comme une figure de pouvoir
- La rançon de la gloire : autour de la notion d’identité dans la statuaire « colon », sont évoquées les représentations de personnages occidentaux réels comme la reine Victoria, le général de Gaulle, ou encore Brigitte Bardot
- Au service de la foi : évocation de différents aspects de la présence catholique en Afrique à travers des statues de missionnaires, des crucifix, etc.
- Sur l’autel de la modernité : la figure de l’homme blanc représentée à travers des objets de consommation, de locomotion (vélo, voiture...)
- Chefs d’œuvre : présentation de huit sculptures et masques considérés comme des pièces majeures de l’art dit « colon »
- Accumulations : une trentaine de sculptures montre la variété de la production de l’art colon".Source : Signes & Sens.
Photo : Colon à cheval, Baoulé, Côte d’Ivoire, première moitié du XXe siècle, Bois, pigments © Alain Weill / Photographie : Alberto Ricci