« Quelquefois, Jansen photographiait de très près des plantes, une toile d’araignée, des coquilles d’escargot, des fleurs, des brins d’herbe au milieu desquels couraient des fourmis. On sentait qu’il immobilisait son regard sur un point très précis pour éviter de penser à autre chose. Je me suis rappelé le moment où nous étions assis sur le banc, dans les jardins des Champs-Élysées, et où, les jambes croisées, il photographiait ses chaussures.
Et, de nouveau, les pentes des montagnes d’une blancheur éternelle sous le soleil, les petites rues et les places désertes du Midi de la France, les quelques photos qui portaient chacune la même légende : Paris en juillet – ce mois de juillet de ma naissance où la ville semblait abandonnée. Mais Jansen, pour lutter contre cette impression de vide et d’abandon, avait voulu capter tout un aspect champêtre de Paris : rideaux d’arbres, canal, pavés à l’ombre des platanes, cours, clocher de Saint-Germain de Charonne, escalier de la rue des Cascades… Il était à la recherche d’une innocence perdue et de décors faits pour le bonheur et l’insouciance, mais où, désormais, on ne pouvait plus être heureux. »
Chien de Printemps, Seuil éd, 1993, p. 11-112