Exposition Carambolages
Le Petit Poucet au Grand Palais
Du 02/03 au 04/07/16
L’exposition Carambolages rassemble au Grand Palais 185 œuvres d’époques, de styles et de pays différents. Elle se présente comme un jeu de piste ludique : c’est au spectateur de trouver les points communs qui relient les œuvres exposées, par affinités formelles ou mentales. Les sens du visiteur sont ainsi sollicités, avec toutefois quelques indices discrets.
Informations pratiques
Le Grand Palais
3 Avenue du Général Eisenhower, 75008 Paris
Horaires : tlj de 10h à 20h, sauf le mardi
Nocturnes : le mercredi jusqu’à 22h
Tarifs : 13 € (tarif réduit : 9 €)
Page officielle de l’exposition sur grandpalais.fr
Commissaire de l’exposition : Jean-Hubert Martin
« LISTEN TO YOUR EYES »
Dès l’entrée, l’œuvre de Maurizio Nannucci, une installation en néon illuminant la phrase « Listen to your eyes », vient illustrer le concept de l’exposition. Faites uniquement confiance à votre vision, tel est le parti pris de cette exposition qui prône un discours général et transculturel sur l’histoire de l’art, appuyant un exercice de style du commissaire d’exposition Jean-Hubert Martin.
La particularité de cette exposition, ne présentant pas de problématique thématique, est renseignée dès le commencement avec le dépliant présent en ouverture. Allant à l’encontre de nos habitudes, ce dernier ne présente pas de notices explicatives développées selon un plan élaboré, mais simplement une introduction courte mais percutante, et un plan de l’exposition conséquent.
Cette absence d’éléments introductifs permet la focalisation directe du visiteur sur l’aspect uniquement visuel des œuvres.
Le parcours d’exposition est le suivant, vingt-cinq meubles de présentation sont positionnés parallèles les uns aux autres sur toute la longueur des galeries du Grand Palais. Le visiteur déambule en toute fluidité, suivant des vagues formées par ces cimaises, en face à face avec les œuvres qui ne sont exposés que d’un côté.
Vue de l’exposition Carambolages Scénographie Hugues Fontenas Architecte
© Rmn-Grand Palais / Photo Didier Plowy, Paris 2016
Cette frontalité avec les œuvres est accentuée par l’absence de cartels traditionnels positionnés sous les œuvres. Ici les cartels se digitalisent et se dissocient des œuvres, installés sur les murs perpendiculaires aux cimaises. Cette installation originale invite le visiteur à se laisser porter par l’esthétique des œuvres et non pas à leurs histoires.
Ainsi le thème du jeu de piste est amorcé. Accompagné de parcours sonores spécifiques à chaque travées proposés sur l’application, le visiteur se retrouve plongé dans une atmosphère visuelle et auditive sans apports historiques, qui sont autant d’indices et d’éléments de médiation présents pour l’aider à trouver le fil rouge qui relie les œuvres entre elles.
Ces parcours sonores, composés par Jean-Jacques Birgé, s’allient à l’atmosphère en clair-obscur créée par les couleurs sombres recouvrant les cimaises et l’éclairage homogène des œuvres.
La transition entre la galerie basse et la galerie haute de l’exposition est conçue comme une “pause récréative“ avec l’installation d’un panneau magnétique présentant les œuvres exposés que le visiteur peut déplacer dans l’objectif de former des séries d’œuvres associées selon un point commun.
Des tablettes digitales sont également présentées et proposent le jeu “Carambolez“ où le visiteur est amené à trouver la suite à une série de 3 œuvres présentées, selon le fil rouge de cette série.
Ce dispositif apparaît comme le seul moyen d’accéder aux “bonnes réponses“ des séries présentes dans le musée qui ne sont pas indiquées au cours de l’exposition, prouvant ainsi bien la part importante volontairement laissée à l’imagination.
UN JEU DE DOMINOS
Cette présentation d’œuvre sans indice chronologique ou classification par discipline ou école, semble être la dernière tendance des expositions muséales. (voir nos articles Le Louvre et Quai Branly…)
Exploré depuis longtemps au sein des cabinets de curiosités ou collections privées, ce métissage artistique se développe au sein du musée. Portée par le commissaire d’exposition Jean-Hubert Martin, connu pour porter une grande réflexion sur la question de la transculturalité des œuvres, cette exposition ne déroge pas à cette nouvelle tendance.
Jean-Hubert Martin, conservateur de renommée internationale et commissaire d’expositions qui ont marquées l’histoire de l’art, nous propose ici une approche complémentaire des expositions permanentes par le biais de cette exposition temporaire qui, par définition, offre une plus grande liberté de sujet et de traitement.
1. Nicola Van Houbraken, Autoportrait, c. 1720, H/T, 136x99cm, Florence, Galerie des Offices2.Lucio Fontana, Concetto spaziale Attese, (T.104), 1958, vinylique sur toile et incisions, 125x100cm, Paris, Centre Pompidou, Musée National d’Art Moderne
3. “Bouclier Kikuyu“, Kenya, fin du XIXe-début XXe siècle, Paris, Collection Monbrison
L’ambition transculturelle de l’histoire de l’art de Jean-Hubert Martin poursuit les recherches d’Aby Warburg, propulsé comme figure tutélaire de cette exposition par la présence à l’entrée de l’exposition de son “Atlas Mnemosyne“ de 1921-1929. Selon une même logique, ils cherchent à décloisonner l’histoire de l’art et à l’ouvrir sur une nouvelle approche, tel que ces propos l’illustrent « on ne part pas d’une idée préétablie il n’y a pas une espèce de thèse d’histoire de l’art ou une rubrique spatio-temporelle et donc il fallait trouver un autre procédé. J’ai utilisé celle d’une séquence où chaque œuvre est prédite par la précédente et annonce la suivante. C’est donc un système analogique, un système d’association entre les œuvres, comme un jeu de dominos qui se poursuit du début à la fin. »
Jean-Hubert Martin nous fait bien part ici de la présence d’une association entre les œuvres. Le mystère de ce fil rouge nourrit notre intérêt pour la recherche de ce lien. Par l’absence de notices explicatives, nous voilà livrés à notre propre interprétation des œuvres et de leurs associations. Notre regard est notre seul outil d’interprétation et de ce fait la visite de l’exposition se fait plus intuitivement et plus naturellement.
Néanmoins, par le choix d’exposition des œuvres très linéaire et délimitée, et par la possibilité de suivre le parcours accompagné par des parcours sonore, propre à chaque travées, l’imagination peut rester quelque peu étouffée sous cette notion de jeu de piste. Le spectateur cherche tout de même à trouver le thème de chaque travée qui s’avère être plus ou moins évident.
L’idée de cette exposition est de laisser la plus large place à l’interprétation et l’imagination du spectateur, érudit ou non. Nous pouvons donc y voir une ambition de démocratisation de l’art par le parti pris du commissaire d’exposition, qui souhaite innover dans le contexte de l’exposition d’œuvres d’art et ainsi dans l’approche de l’histoire de l’art en elle-même, pour un accès à un public plus large et ne disposant pas forcément de notions préalables.
Tombez sous le charme ludique de cette exposition singulière et « écoutez vos yeux » !
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