Argentine, Joël Houssin

Par Maliae

Résumé : Au milieu du désert, dans une ville faisant office de prison à ciel ouvert, des milliers de paumés tentent de survivre. Parmi eux Diego, autrefois connu sous le nom de Golden Boy. À l’époque, il était un des caïds de la cité, toujours prêt à en découdre ; il avait même failli faire tomber l’imprenable quartier Sud. Désormais, il fait profil bas, essayant de préserver son jeune frère Jorge du mal qui hante la ville. Pourtant, aujourd’hui, la nourriture et les médicaments se font de plus en plus rares, et Diego va devoir reprendre du service. Même si le boulot qu’on lui propose sent la mission suicide ; même si les flics deviennent télépathes ; même si l’avenir de la cité semble plus que compromis.

Plus : Il est difficile pour moi de parler de ce livre sans spoiler, alors je vais couper mon avis en deux. Faire un avis un peu plus large et général sur ma lecture, et ensuite je ferai un avis plus détaillé avec des spoilers. Comme ça vous pouvez décidé de lire ce que vous voulez.

Avis (général) : Nous voici dans une ville au milieu du désert. Une ville pourrissante. Envahis par les cafards, la drogue et la violence. Une ville où les tranquillisants sont distribués gratuitement quand il est difficile d’avoir des médicaments et qu’il faut payer AVANT de pouvoir prendre de la nourriture.
C’est dans cette ville que vit Diego, entre un père fou et alcoolique et un petit frère qui rêve de devenir comme lui. Enfin comme celui que Diego était avant, quand il était le Golden Boy et qu’il était chef de bande, qu’il menait une révolution. Maintenant Diego a tout arrêté, il se contente d’essayer de vivre dans cette ville, sans se mêler de rien.
Diego a un caractère assez étrange, toujours à sourire (un sourire qui dérange), et semble laisser les choses glisser sur lui, comme s’il n’était pas atteint, comme s’il assistait au spectacle de sa ville. Et cette ville, il l’aime (et j’avoue que ça j’ai du mal à le comprendre).
Sa relation avec Jorge est hyper conflictuelle et pourtant on ressent bien l’amour de Diego pour Jorge, qu’il compare souvent à un ange, considérant son frère comme très fragile (mais qui joue au dur).
Je ne me suis pas vraiment attachée aux personnages, Jorge est un petit con, et Diego a des réactions qui m’ont déplu. Par contre j’ai bien aimé la Mouche, celui qui suit Diego partout et qui vit sur les toits.

Le livre contient pas mal de violence, c’est une histoire de survie. Entre un état dictatoriale, des miliciens prêt à tirer à tous les coins de rue, des bandes, et des machines qui lisent dans les pensés. Sans parler de la chaleur du désert, des cafards, de la difficulté de se procurer de la nourriture, ainsi que le délabrement des immeubles.
Il fait pas bon d’être une femme dans cette ville, parce que y a pas beaucoup de choix de survie, à part la prostitution… (Bon j’ai absolument détesté comment était traité les femmes dans ce livre, et encore plus comment Diego les traite).
L’histoire est hyper entraînante, une fois dedans j’avais du mal à m’en détacher, j’étais pris dans l’action et dans ce qui se passe. Si je n’étais pas vraiment attachée à Diego, son caractère assez froid nous donnes envie de le suivre dans cette ville. Et plus ça avance, plus ça devient tordu. J’ai eu l’impression à un moment d’être tombé dans une faille, faisant passer le récit d’un truc à peu près « normal », à quelque chose de complètement cinglé. Mais c’était absolument génial.

Les choses finissent par s’accélérer et on se retrouve encore plus emporté. Puis la fin arrive, presque abrupte, mais également presque douce par rapport au reste. Elle m’a plu et en même temps laissé amer.

C’est un livre où on est baigné dans la violence et dans ce que les hommes sont prêt à faire pour le pouvoir, pour survivre, ou tout simplement pour ne pas mourir (quand bien même ils vivent dans un monde horrible). Je pense que les passages « émouvants » auraient pu l’être un peu plus, que ça aurait mérité parfois un peu plus de sentiments, et j’aurais vraiment aimé que ça s’attarde encore plus sur la relation de Diego et de son petit frère. Au final j’ai bien aimé ma lecture et ce malgré quelques détails qui m’ont dérangé.

Avis (détaillé, avec spoils donc) : La ville est en vérité une prison. Une ville prison coincée au milieu du désert, un désert dont on ne sort jamais. Les prisonniers étaient les arrières grand-pères de ceux qui y vivent, ils étaient accusés de s’être retourné contre les dictateurs et ont été enfermé. En gros, ceux qui sont là n’ont commis aucun crime, àpart d’être né. Nous voilà face à une prison géante, et ils sont enfermés sans vraiment avoir de gardiens. Ils ont alors crée une micro-société, avec des quartiers différents. Ils vivent coincés dans une dictature (qu’ils ont reproduit eux-mêmes), et quelques héros (morts) qui ont essayés de changer ce monde, sans y arriver.
Ils payent les erreurs de leurs ancêtres et personnes ne vient les chercher (il y a des camions de nourriture qui arrivent et c’est tout).
Et puis un jour Diego va découvrir qu’ils sont coincés dans une sorte de boucle géré par une machine qui s’appelle Matrix (le nom m’a fait rire), et donc en fait ils ne peuvent pas sortir de cette boucle, elle les renvoie automatiquement au même point à chaque fois. Ils pourront marcher 100 kilomètres, au final ils auront marché la même distance et se retrouveront au même endroit. J’ai trouvé ça absolument terrible et génial en même temps. On est face à une prison terrifiante, où le désert devient infinie et le moyen de s’échapper quasi nulle.
Autre chose, Matrix a pété les plombs et maintenant fait carrément vieillir les gens quand il passe dans certaines zones (mais vieillir BEAUCOUP, donc en gros tu passes de 20 ans à 100 ans et en plus tu ressens toute la douleur de toutes les années qui passent, en une seconde, de quoi devenir cinglé). Et puis au milieu de tout ça, Jorge se fait kidnapper par un sale type qui veut l’utiliser afin de contrôler Matrix.
Et c’est là que j’aime Diego (même si je l’aime pas vraiment), c’est qu’il va réveiller le Golden Boy (qu’il avait rangé au placard) pour sauver son petit frère (malgré leurs conflits). J’ai trouvé ça absolument génial je dois le dire.
Et même cette idée complètement folle je l’ai trouvé génial, d’une machine qui fait vieillir certaines zones d’un coup (et personne n’est épargnée, même les objets vieillissent). C’est terrifiant, surtout que Matrix semble se mettre à attaquer au hasard. Et on ne peut se mettre à l’abris nul part, même pas sous terre.
Ah oui, ce qui m’a plu aussi, c’est ce pouvoir un peu bizarre de Diego, qui peut lire dans les pensés et qu’il ne contrôle pas du tout, des fois il y arrive, des fois non, lui-même n’en a pas forcément toujours conscience.

J’ai aussi adoré quand Jorge et Gabriella (donc la sœur de Diego et Jorge dont ils parlent assez peu) redeviennent enfants, ça avait quelque chose de fascinant. Sauf que voilà, jouer avec l’immortalité à un coût, et ce paradoxe attire Matrix aussi sûrement qu’une lumière attire une mouche. Et donc ça nous emmène à la fin de l’histoire, où Diego se retrouve avec les bébés, le plus loin possible de toute vie et… et bien il attend Matrix.
C’est assez dur comme fin, et en même temps il n’y en avait sans doute pas d’autre possible.

Bon ce que j’ai détesté dans ce livre, c’est la façon dont sont traités les femmes. Alors oui on est face à un monde violent et patatitata, mais si on dénonce quelque chose, on pourrait le faire au moins de la part du héros. Parce que la façon dont il traite les femmes est GERBATIF, je le dis. En gros pour lui ce sont des bouts de viande et rien d’autre. Encore qu’il a son amie muette, mais elle, il s’en sert pour faire sa bouffe, alors je sais pas si c’est mieux. Ah oui, il y a une scène où sa sœur est obligée de le branler pour lui sauver la vie (il est entrain de faire une overdose à cause d’une drogue aphrodisiaque et on l’a enfermé avec sa sœur) je m’en serais bien passée. Je n’ai absolument pas vu l’intérêt d’une telle scène, c’était juste dégueulasse. Celle où Diego prend violemment Jessica (la petite amie de son frère) contre un mur en se foutant de lui faire mal, m’a fait gerber également.
Et ça vraiment, ça a un peu gâché ma lecture, mais je suis passée au dessus en me disant que le reste était bien.
Il y a également dans ce livre une des histoires d’amour les plus nuls que j’ai pu lire. En gros il rencontre Aurora, la plus belle femme de monde qu’il ait vu, et il est amoureux. Débile au possible. Qu’on me dise qu’il a une attirance okay, mais ressentir de l’amour? Il la connait même pas, il sait rien d’elle, c’est n’importe quoi.
Par contre j’ai adoré la relation d’Aurora et de son frère et ce qu’elle a fait pour lui. J’ai trouvé ça assez beau (et tragique).

Donc voilà, j’ai vraiment adoré ce côté fou du livre, avec ces mystères, avec Matrix qui est tellement terrifiant et qui montre la folie de l’homme, mais alors tout ce qui était homophobe et misogyne ça j’ai pas pu. Ça reste quand même une bonne lecture, et le livre a été publié en 1989.

Phrases post-itées : 
« Quel genre de malédiction nous poussait ainsi à reconduire la dictature, alors que les dictateurs eux-mêmes étaient loin? »

« En cas de cataclysme, la mort respectait aussi la hiérarchie et les injustices sociopolitiques des pays qu’elle frappait. »

Merci à : Maëve pour m’avoir offert ce livre !