Si vous ne la connaissez pas encore, il est temps de découvrir Anne Millot, céramiste française dont la production artistique se concentre sur la création de nez. En effet, tout comme l’artiste américaine Margaret Keane et son obsession pour les yeux surdimensionnés, Anne ne produit que des nez, réalistes ou surréalistes, parfaits ou imparfaits, chacun doté d’une personnalité bien singulière.
Curieux sujet, il faut bien l’admettre, pourtant le nez représente une partie intégrale de l’aspect physique et de la personnalité de chaque être humain. Au travers des siècles, il fait couler beaucoup d’encre dans le milieu littéraire et théâtral, mais reste un sujet largement inexploré dans le domaine artistique. Le nez le plus envié est certainement celui de Cléopâtre, qui aurait changé toute la face de la terre s’il eut été plus court selon Blaise Pascal, tandis que le nez le plus audacieux est probablement celui de Cyrano de Bergerac, sujet de toute une tirade rédigée par Edmond Rostand. Anne, quant à elle, s’intéresse aux nez de parfumeurs, aux nez légendaires, aux nez mythiques, ou encore aux nez de personnages imaginaires…
D’où vient cette passion des plus insolites ? D’après Anne, c’est en sculptant des visages et des nez qu’elle s’est rendue compte que la forme qu’elle leur donnait était capable de déterminer la personnalité de ses sculptures. En d’autres termes, le nez s’est imposé à elle comme un organe d’une importance non négligeable, mais bien souvent mal aimé et peu valorisé.
Le nez étant placé au beau milieu du visage, c’est lui que l’on voit en premier, mais pas que l’on regarde avec attention. En effet, pour entrer en communication avec autrui, les yeux et la bouche sont privilégiés. Pourtant, le nez est une marque déterminante de la personne avec qui l’on s’entretient. C’est pour cette raison qu’aujourd’hui Anne ne sculpte que des nez, isolés de leur habitat naturel, le visage.
Pour créer ses sculptures, Anne commence avec de photographies de visages de face et de profil. Elle regarde attentivement le nez de ses modèles et cherche une caractéristique majeure. Lorsque celle-ci se manifeste, l’artiste se met au travail et choisit la terre : de la faïence pour les petits formats, de la terre chamottée ou du grès pour les grands formats, et parfois de la porcelaine. Ensuite commence le travail de modelage. Après quelques jours de séchage et une séance de ponçage, la sculpture est enfournée.
L’émaillage est l’étape qui permet aux sculptures d’être dotées d’une vraie personnalité. L’artiste aime correspondre les tons des émaux aux personnages dont elle s’est inspirée. Cette étape requiert beaucoup de concentration, de patience, mais également d’audace. En effet, le résultat n’est perceptible qu’au bout d’un deuxième cycle de cuisson.
Enfin arrive l’étape de la mise-en-scène, par la conception et la fabrication d’encadrements en bois ou en métal, ainsi que les finitions ultimes. La création de chaque nez prend toujours trois semaines au minimum!
En plus de présenter ses œuvres dans le cadre de nombreuses expositions, de galeries, et de festivals, les créations contemporaines d’Anne ont été exposées dans des domaines viticoles et chez des parfumeurs. Celles-ci ne cessent d’intéresser et de surprendre de plus en plus d’artistes, d’artisans, d’amateurs, et de collectionneurs. Vous pourrez les retrouver lors de la neuvième édition du Festival Céramique du Village Mouffetard, rue des Bazeilles et rue Censier, dans le 5ème arrondissement de Paris, le 4 et 5 Juin prochain… alors n’hésitez pas à y pointer le bout de votre nez !