Peu de temps après avoir rebooté son univers, Archie Comics a lancé une nouvelle série centrée sur le meilleur ami d’Archie : Jughead. Ses centres d’intérêt ? Les burgers, les jeux vidéo, les burgers et euh… je crois qu’on a fait le tour.
Lorsqu’un nouveau proviseur débarque au lycée de Riverdale et impose une discipline de plus en plus martiale EN SUPPRIMANT NOTAMMENT LES BURGERS DE LA CANTINE, Jughead se retrouve dos au mur. Avec l’aide de ses amis, il entend bien déjouer cette conspiration (enfin ça c’est quand il les aura convaincus que tout cela n’est pas juste le fruit de son imagination débordante).
L’histoire se déroule donc dans le nouvel univers d’Archie, mais il n’y a pas besoin de lire la série principale pour comprendre celle-ci. Plutôt que de miser sur une continuité parfois lourde et décourageante, l’éditeur a préféré la cohérence : il n’est pas fait mention de l’arrivée de ce nouveau proviseur dans la série Archie par exemple, mais dans les deux titres Archie reste quelqu’un d’extrêmement maladroit. Les personnages restent donc fidèles à eux-mêmes, mais les différentes séries sont libres de raconter leurs propres histoires.
You know nothing, Archie Andrews
The Men from R.I.V.E.R.D.A.L.E. ! Un titre encore plus pénible à écrire qu’Agents of S.H.I.E.L.D. !
Si Archie est le cœur de la gamme, qui donne le ton et se concentre sur les personnages principaux et leurs relations, Jughead est clairement le titre comique. Grâce à une imagination fertile et une flemme certaine, Jughead est particulièrement doué pour contourner les règles, et son point de vue décalé sur les choses rend plusieurs scènes hilarantes.
L’équipe créative pousse le délire encore plus loin en mettant en scène un de ses rêves à chaque chapitre, soit autant de clins d’œil à des concepts alternatifs de l’univers classique d’Archie, ou à la pop culture en général. Pour le moment, on a eu :
- une parodie de la série Game of Thrones ;
- l’apparition de la Time Police, qui voit Jughead voyager au 29e siècle ;
- une histoire d’espionnage où ses amis et lui deviennent les Men from R.I.V.E.R.D.A.L.E. et luttent contre la maléfique organisation C.R.U.S.H. (un clin d’œil aux James Bond mais surtout à The Man from U.N.C.L.E. qui se battait contre T.H.R.U.S.H.) ;
- une histoire de pirates ;
- un récit de super-héros, où l’équipe créative ressuscite les Super-Teens.
Des adolescents crédibles
De manière générale, la série réussit mieux qu’Archie à mettre en scène des personnages qui ont vraiment l’air jeune. Là où des équipes peu inspirées se contentent de mettre des selfies partout en multipliant les allusions aux réseaux sociaux pour faire « teenage », Chip Zdarsky (Sex Criminals, Howard the Duck, Kaptara) propose un ton qui sonne beaucoup plus authentique. Et plutôt que d’avoir un héros « qui ne s’intéresse pas trop aux filles », le scénariste l’affirme comme asexuel, ce qui l’inscrit dans les discussions actuelles sur le genre et la sexualité.
De son côté, la dessinatrice Erica Henderson fait montre des mêmes qualités que sur Squirrel Girl, avec sa narration simple et claire, son talent pour la comédie et son refus des silhouettes toutes longilignes. Ses personnages peuvent avoir des formes, s’habillent, se coiffent et se tiennent comme des ados qu’on pourrait croiser dans la rue. Et qu’il s’agisse de discussions tranquilles chez Pop’s ou de combats de pirates, elle peut tout dessiner.
Mais un humour inégal
Lorsqu’elle travaillait pour Pixar, Emma Coats avait tweeté une série de conseils aux scénaristes en herbe, notamment celui-ci :
Story basics #6: What is your character good at, comfortable with? Throw the polar opposite at them. Challenge them. How do they deal?
— Emma Coats (@lawnrocket) 27 mars 2011
L’histoire l’applique à la lettre : Jughead est doué pour contourner les règles ? Alors opposons-lui un proviseur qui établit des règles drastiques, entouré d’une armada d’enseignants à la discipline militaire, et voyons comment notre lycéen tente de déjouer leurs plans. C’est là que le personnage brille réellement, en offrant par ailleurs un contraste avec Archie, l’adolescent « typique ». L’approche décalée qu’a Jughead face aux problèmes est ce qui fait le sel du titre et lui confère son originalité.
Malheureusement, intégrer une scène de rêve à chaque chapitre ralentit la progression de l’histoire. Si ces rêves regorgent d’idées sympathiques, ils demeurent cependant moins drôles que les scènes de la vie de tous les jours. J’espère que cette structure changera au prochain arc, car plus les chapitres passent et plus leur utilisation systématique donne le sentiment d’une certaine paresse scénaristique.
L’humour de Zdarsky fonctionne aussi plus ou moins bien suivant les cas. Si je devais résumer le titre très rapidement, je dirais : « c’est un peu comme Squirrel Girl mais en moins inspiré ».
Bref, Jughead est un titre sympathique qui propose une identité différente d’Archie grâce à un héros anti-conformiste, mais il aurait besoin de mieux doser son humour et ses délires pour être convaincant sur la longueur.
La série compte pour le moment 5 chapitres, le premier tome réunissant les 6 premiers est prévu pour le 6 juillet 2016.