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Alain Juppé est-il déjà élu Président ?

Publié le 02 juin 2016 par Délis

Cet article a été publié sur le site de l'Express.

Dans les enquêtes, le doute n'est pas permis. A 7 mois des primaires, Alain Juppé semble s'imposer comme le grand favori de l'élection de droite et du centre.

La dernière enquête réalisée par Ifop augure d'une victoire par KO : Alain Juppé, avec 37% des suffrages, surpasse de plus de 11 points l'ancien Président. Si ce dernier conserve une très légère longueur d'avance auprès des Républicains, il est en revanche balayé sur tous les autres segments : Alain Juppé réalise une razzia auprès des électeurs UDI, Modem, tout en attirant dans la primaire une partie d'électeurs de gauche.

L'ancien Ministre des Affaires Etrangères semble en passe de réussir son pari : agréger sous sa bannière les forces de l'alternance et mettre ainsi en minorité le noyau dur des Républicains.

Incontestablement, ces résultats sont impressionnants. Ils témoignent de la suprématie d'un candidat dont les atouts résultent autant de ses qualités propres que des limites de son principal concurrent : Juppé est aussi fort parce que Nicolas Sarkozy est faible. Dans un spectaculaire renversement des rôles, l'ancien Président est devenu challenger. Sa trop brève cure médiatique et la reprise en main du parti, ne lui ont pas permis de rétablir le lien avec les Français. Ainsi, sur les 4 items clés définissant la " stature présidentielle ", Nicolas Sarkozy connaît une baisse d'environ 15 points depuis octobre 2013 selon Harris Interactive. Vision pour la France, capacité à transformer le pays, proximité avec le peuple, probité : sur tous ces segments, l'ancien Président dévisse.

Mais, la chute de Nicolas Sarkozy garantit-elle la victoire de son ancien ministre des Affaires étrangères ? En réalité, le principal ennemi d'Alain est Juppé.

Homme de raison, il écrit l'histoire d'une campagne rationnelle et à la promesse alléchante pour des électeurs devenus stratèges : assurer, quelle que soit la configuration, la victoire de la droite en 2017. Pour cela, Alain Juppé synthétise les aspirations contradictoires d'un pays tout à la fois éperdu de renouveau et paralysé à l'idée que le modèle à la Française ne disparaisse.

La limite de cette stratégie : l'équilibre précisément. D'abord, sa ligne, façonnée en contrepoint d'une candidature de Nicolas Sarkozy, semble s'affadir à mesure que la " menace " s'éloigne. Ensuite, le caractère raisonnable de son offre crée objectivement un espace vacant pour des concitoyens qui s'affichent définitivement revenus des promesses politiciennes. Mais ne peuvent s'empêcher d'espérer à mesure que l'élection présidentielle approche. La montée fulgurante d'Emmanuel Macron ne dit pas autre chose. Voter, c'est d'abord projeter dans un candidat les rêves d'un autre avenir. Juppé saura-il les porter ? Et le mariage de raison avec les Français peut-il tenir jusqu'en novembre prochain ?

Entre janvier et mai, sa cote de popularité a connu une baisse notable : 7 points selon TNS Sofres, avant de remonter légèrement. Pour gagner la bataille de l'émotion, Juppé, a un temps cherché à livrer une part de lui-même. Mais, le livre de Gaël Thakaloff, journaliste qui met à nu le candidat, souligne les limites de l'exercice. Alain Juppé est à part. Révéler son intimité, c'est dévoiler ce qui le sépare des Français.

Depuis, le candidat a révélé un programme économique audacieux et franchement libéral (retraite à 65 ans, alignement entre le public et le privé, augmentation de la tva, suppression de l'ISF) pour des résultats mitigés : la séquence n'a pas réellement imprimé les esprits. Car, en réalité, le programme de Juppé, aussi disruptif soit-il, sera toujours moins puissante que l'image de modération portée par le candidat.... Une modération bien compliquée à assumer face à d'autres candidats qui promettent de renverser la table, risquant au passage de ringardiser le septuagénaire.

Alors, Juppé va t-il gagner ? Oui, si Marine le Pen continue de hanter la primaire. Oui, si les électeurs de gauche s'offrent une assurance vie quel que soit le tirage. Oui, si François Hollande continue sa trop lente agonie pour acter définitivement la candidature de Macron.

Paradoxalement, ce favori à la croisée des courbes n'a jamais semblé aussi peu maitre de son destin.


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